En entendant le surnom de dame de béton pour la première fois le mois dernier, bien des Québécois ont imaginé Pauline Marois en train de couler dans les eaux tumultueuses de la politique, entraînée par les crises de son ingouvernable parti.

Eh bien non, Mme Marois n'a pas coulé. Au contraire, la revoilà dans la course, propulsée par un sursaut spectaculaire, elle qu'on croyait (j'en étais, je l'admets) condamnée!

Qui aurait cru que le béton peut rebondir autant? Et aussi vite? Le Parti québécois a gagné 9 points en un mois (21% en janvier, 30% en février) et Pauline Marois fait un bond de 8% à la question «Quel chef ferait le meilleur premier ministre?». C'est la première fois depuis que François Legault est officiellement dans le portrait (en novembre) que la chef péquiste redevient compétitive avec ses adversaires aspirants premiers ministres (Legault: 21%, Charest: 21%, Marois: 19%) et la première fois depuis mai que sa cote est en hausse.

La persévérance de Mme Marois semble avoir favorablement impressionné les électeurs. Ceux-ci ne font apparemment pas trop de cas des propositions controversées adoptées par le PQ à son conseil national de la fin du mois de janvier (vote à 16 ans et référendums d'initiative populaire), mais ils apprécient la résilience de la chef péquiste.

Ce n'est pas gagné pour le PQ, qui accuse tout de même un sérieux retard par rapport à son meilleur score de l'an dernier (40% en avril 2011, 30% aujourd'hui), mais il semble bien que l'hémorragie soit terminée.

Dans l'ensemble, les nouvelles sont plutôt bonnes pour le PQ, mais deux données en particulier feront sourire Mme Marois ce matin: en avance chez les électeurs francophones (PQ: 36%, CAQ: 31% et PLQ: 18%) et en tête hors Montréal et grande région de Québec.

En gros, ce sondage laisse présager une lutte électorale régionale répartie ainsi: PQ: 450 et 819, CAQ: 418 et PLQ: 514 (entendre, surtout les parties ouest et nord de Montréal). On voit se dessiner une lutte à deux PQ-CAQ en région, un bloc de circonscriptions acquises aux libéraux (dans l'ouest de Montréal et en Outaouais) et vraisemblablement un gouvernement minoritaire au final.

Cela dit, il est prématuré de prévoir la lutte électorale puisque ce sondage vient de fermer la «fenêtre» sur les doigts de Jean Charest. Avec un taux d'insatisfaction collé autour de 70% et un si faible appui chez les francophones, Jean Charest va maintenant devoir considérer la fenêtre automnale.

Ce sondage jette aussi une douche froide sur la CAQ de François Legault, qui ne cesse de perdre des plumes depuis deux mois.

Après avoir trôné en tête, avec des scores dépassant parfois les 40%, alors qu'elle n'était qu'un mouvement, la CAQ en arrache depuis qu'elle est devenue un parti. De toute évidence, la CAQ souffre du syndrome THTT (trop haut trop tôt). Le passage de mouvement à parti politique est difficile pour la CAQ, qui doit maintenant préciser ses engagements et gérer un caucus disparate formé d'adéquistes, de péquistes et d'indépendants. Le manque de cohésion de ce caucus, la vive réaction du milieu scolaire aux promesses de M. Legault et la présence d'un transfuge trop bavard selon ses propres collègues ont fait mal à la CAQ.

Plus encore, c'est l'absence de nouveaux visages, de renouveau et la concrétisation d'une véritable nouvelle alliance qui mine ce parti qui promettait une coalition des forces vives du Québec.

François Legault doit présenter de nouveaux candidats dans les prochains jours, mais il devra faire vite pour officialiser l'arrivée de recrues dans son écurie parce que les derniers chiffres risquent de faire peur aux meilleurs chevaux.

Parlez-en à Paul Martin. Lui aussi était assis sur une tonne de bons CV avant que sa bonne fortune ne l'abandonne, obligeant ses recruteurs à supplier des candidats sur lesquels ils levaient le nez quelques mois avant.

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, et le cochef de Québec solidaire, Amir Khadir, ont sommé Gaétan Barrette de se brancher cette semaine entre la CAQ et la Fédération des médecins spécialistes du Québec. François Legault et son entourage accueilleraient volontiers M. Barrette. Celui-ci est intéressé, disent-ils, mais il veut être sûr de gagner avant d'abandonner ses lucratives activités professionnelles. Les derniers sondages ne le pousseront sans doute pas vers un changement de carrière. Et il n'est probablement pas le seul.