Hein, quoi, Clotaire Rapaille serait un fumiste? Incroyable! Annulez tous les rendez-vous du maire Labeaume! Appelez Guy Bertrand!

Depuis que Le Soleil a révélé une série de faussetés et de gonflements dans le curriculum vitae du refaiseur d'image, le maire de Québec exige des explications. Il a convoqué un entretien téléphonique d'urgence. Il examine même ses recours!

Je me demande bien qui est le plus fumiste des deux. Celui qui laisse le New York Times l'appeler «psychiatre». Ou le maire de Québec, qui veut nous faire croire que toute la démarche ridicule de psychanalyse-spectacle est subitement remise en question parce que Rapaille a menti ici ou là.

Entendons-nous bien: je me suis régalé en lisant l'article du collègue Pierre-André Normandin, samedi. Le «docteur» Rapaille a un doctorat, apparemment, en anthropologie médicale, mais qu'on peut aussi qualifier de psychologie. Il a fait de la recherche en psychiatrie (moi aussi hier soir) et a travaillé auprès d'enfants autistes, mais de façon «limitée», concède-t-il sans gêne. Pourtant, son site est beaucoup plus ronflant. Car c'est dans ce travail auprès de ces enfants qu'il aurait crié eurêka: tout est dans l'empreinte originelle! C'est pourquoi il couche des centaines de gens dans ses groupes de discussion pour les faire parler de leurs souvenirs originels de Québec.

Mais que son CV soit vrai au quart, à la moitié ou aux trois quarts ne change rien à l'affaire. Ce n'est pas comme si Rapaille avait envoyé son CV dans un concours. Il a eu de vrais contrats pour faire de vraies choses. Le maire l'a rencontré après qu'il eut séduit un auditoire d'affaires l'année dernière.

-Régis, Régis, FAUT que tu rencontres LE GARS qui va refaire le branding de Québec! Clotaire Rapaille, le king du branding!

Et voilà le bon maire de Québec qui tombe évanoui devant tant de bagou et de science de la psyché commerçante. Il cause, le Clotaire! Il connaît le cerveau dans toutes ses parties, surtout la reptilienne! Le reptile gagne toujours, il le dit, le docteur Rapaille!

C'est d'avoir été séduit par cette idée qui est du plus haut comique. Le collègue Gagné du Soleil a raison de citer Gogol et Molière!Le maire Labeaume ne se gêne pas pour le dire: il l'a «échappée», celle-là. Et pourtant, avec quelle ardeur il est monté au créneau l'automne dernier dans sa ville fortifiée, et encore cet hiver, pour défendre le «king» ! Mais le king a commencé à déblatérer un peu trop contre la belle ville de Québec, dans une de ses nombreuses envolées. Sado-maso, les gens de Québec, obsédés par Montréal, etc.

Pas bon pour le maire, tout ça, et, soudain, le faiseur d'image est devenu un faiseur de troubles. Alors, quelle aubaine de le voir un peu déculotté sur la place publique!

Mais l'a-t-il écouté un peu avant? Quand il explique le succès du PT Cruiser de Chrysler, son prétendu bébé (mais on dirait que d'autres pères contestent cette paternité)?

Pourquoi ça s'est vendu si bien? L'extérieur du véhicule est masculin et l'intérieur est féminin, voyez-vous. Or, «tout le monde s'associe à ce concept parce que toute personne a passé environ neuf mois à l'intérieur d'une femme».

Avouez que vous n'y aviez jamais pensé. C'est pourtant élémentaire! Pour que les gens aiment une voiture, il faut reproduire l'intérieur capitonné de la femme, mais en moins aquatique.

J'en déduis que l'option toit ouvrant plaît surtout aux gens nés par césarienne.

Ce type est un superbe vendeur qui vend surtout un truc: lui-même. Aux Américains émus, il raconte qu'il a voulu devenir américain en voyant le débarquement de Normandie (il avait 2 ans et vivait à Paris). Aux Québécois, il dit que Félix Leclerc, par ses chansons, lui a servi de père substitut pendant que le sien était prisonnier de guerre (Félix Leclerc était inconnu en France pendant la guerre).

Le type censé réinventer l'image supposément poussiéreuse de Québec loge-t-il dans un hôtel-boutique de Saint-Roch? Mais non. Il crèche au Château Frontenac. Quelle originalité!

Pas de surprise: dans le magazine Style du New York Times, en 2004, on le voit poser devant son manoir anglo-américain du XIXe siècle et quelques voitures de luxe (dont une Rolls, évidemment).

«Je ne suis pas un expert en tendance, a-t-il dit à la journaliste en demandant qu'on jette une autre bûche au foyer. Je suis l'expert de ce qui ne change pas, d'une génération à l'autre.»

Euh... c'est pas censé être l'homme qui va trouver le moyen d'attirer la jeunesse branchée à Québec, l'anti-vieilles-pierres, l'abolisseur des clichés réducteurs?

Alors, fumiste tant que vous voulez, mais c'est écrit en lettres de feu sur son front, visibles à l'oeil nu. On voit immédiatement à qui on a affaire. Il marche à l'intuition et facture gros. Il n'en fait pas mystère, c'est son fond de commerce pour ainsi dire.

Il demande 250 000$, on les lui donne, allez le blâmer!

Celui qui a l'air fou ce matin n'est pas Clotaire Rapaille, c'est Régis Labeaume, qui s'est inventé un problème d'image dans une ville où, enfin, tout allait bien.