La nouvelle a gâché les vacances de Stephen Harper : Graham James, un entraîneur de hockey mineur pédophile, a obtenu un «pardon».

Aussitôt, le gouvernement conservateur a annoncé qu'il allait revoir la Loi sur le casier judiciaire, qui rend à peu près automatique l'obtention du pardon.

La raison est superficielle et dictée par l'actualité, sans doute. Sécurité publique et hockey sont deux sujets de constante préoccupation du premier ministre, comme chacun sait. Mais ce n'est pas une mauvaise idée de raffiner cet outil de réhabilitation utile mais perfectible.

***

En 1997, James a reconnu avoir agressé sexuellement deux joueurs adolescents entre 1984 et 1995. L'un d'eux, Sheldon Kennedy, ex-joueur des Bruins de Boston, l'a dénoncé publiquement. Cet hiver, un autre ancien joueur de la LNH, Theoren Fleury, a porté plainte à la police contre James.

La peine de James est terminée depuis 10 ans. Comme tout le monde, cinq ans après sa peine, James avait le droit de faire une demande de «réhabilitation» - qui est le vrai nom français du «pardon».

Et comme 39 628 Canadiens l'an dernier, il l'a obtenue sans difficulté en 1997. Par définition, cette nouvelle n'est pas publique et ce n'est que la semaine dernière qu'un journal l'a découverte.

Dans les 40 dernières années, plus de 400 000 personnes ont obtenu leur pardon. Cela permet à des gens qui ont fait une gaffe dans leur vie de trouver un emploi malgré tout et de refaire leur vie.

La condamnation de James, comme celle de tous les réhabilités, demeure accessible pour les corps de police. Mais pour le public, sa condamnation n'existe plus et on ne peut pas en tenir compte. À moins que James tente d'obtenir un emploi auprès des enfants ou des «personnes vulnérables». La loi permet en effet à toute personne ou organisation qui s'occupe des enfants de vérifier auprès de la police si un candidat a été condamné pour un crime à caractère sexuel ou contre un enfant. Les douaniers américains, par ailleurs, n'ont que faire du pardon et les condamnations sont dûment fichées.

Comme n'importe quel «réhabilité», si James est condamné pour un autre crime, ou même s'il a «cessé de bien se conduire», on révoquera son pardon.

***

On voit bien l'utilité du pardon et ses vertus sociales. Mais il pose un certain nombre de problèmes.

D'abord, aucune véritable enquête n'est faite et les demandes sont accordées à 98 %, essentiellement en consultant des bases de données. La Commission nationale des libérations conditionnelles, qui gère le programme, note que seulement 4 % des pardons obtenus sont révoqués, preuve selon elle que le système fonctionne bien.

Mais est-il normal qu'un adulte en autorité condamné pour des crimes sexuels aux dépens de plusieurs personnes, crimes commis pendant des années, obtienne un pardon aussi facilement que celui qui a été arrêté avec un sac de pot à 18 ans ?

La loi ne fait pourtant aucune distinction de ce genre. Les délais dans les deux cas sont les mêmes : cinq ans après la fin de la peine, si la personne n'a pas récidivé.

Par leur nature, certains crimes devraient faire l'objet d'un purgatoire plus long. On devrait d'ailleurs se demander si certains crimes ne devraient pas être exclus du pardon. Actuellement, le pardon est possible pour tous les crimes, sauf le meurtre et la haute trahison. Avec ce qu'on a appris sur le caractère chronique de la pédophilie, il y a peut-être lieu d'allonger la liste.

Fait-on enquête, par ailleurs, pour connaître les liens d'un délinquant avec les organisations criminelles ?

D'après la preuve présentée dans une cause entendue à Montréal il y a quelques années, les 14 fonctionnaires qui géraient le programme font une recherche extrêmement rudimentaire.

Or, le pardon a des conséquences. La Cour suprême a conclu en 2008 que le Service de police de la Ville de Montréal n'a pas le droit d'exclure un candidat sur la simple base d'un crime «pardonné».

Dans cette affaire, une femme avait été condamnée pour un vol planifié de 200 $ dans un dépanneur à 21 ans. Elle avait cependant obtenu une absolution de la cour - ce qui a les mêmes effets qu'un pardon après trois ans. Elle avait également eu des problèmes de consommation de drogues (acide, cocaïne) et la GRC avait pour cela refusé sa candidature. Mais la Cour suprême a dit que l'affaire du vol étant légalement réputée n'avoir jamais eu lieu, le Service de police de la Ville de Montréal devait poursuivre le processus d'embauche.

La Loi sur la police a été modifiée et le corps de police peut tenir compte des démêlés passés, même pardonnés, semble-t-il. Mais qu'en est-il des autres employeurs, eux qui n'ont pas accès aux bases de données de la police ?

Il y a sûrement lieu de revisiter tout ça et, sans abolir le pardon, de l'améliorer. De le réhabiliter, pour ainsi dire.