Il faut peut-être commencer par une sorte de note introductive: ceci n'est pas le texte d'un anticlérical.

Assez vieux pour avoir connu plusieurs religieux, mais trop jeune pour avoir subi le pouvoir de l'Église du Québec, je ne partage pas le ressentiment général des baby-boomers face au clergé.

Des frères et des soeurs de mes parents ont été dans les ordres, comme on dit, et c'étaient à mes yeux des gens remarquables. Mes tantes qui sont des soeurs sont des femmes supérieurement intelligentes, polyglottes, cultivées qui ont consacré leur vie au soin des autres.

Il est à la mode ces années-ci de dire en parlant de cette génération de religieuses que si elles étaient nées 50 ans plus tard, elles auraient pu faire une carrière professionnelle, diriger une entreprise, etc. Sans doute. Mais ces comparaisons anachroniques qui se veulent flatteuses n'ont pas grand sens. On ne peut pas transposer dans notre monde individualiste et hédoniste des vies tout entières tournées vers autrui.

J'ai connu les dernières générations de prêtres enseignants. Des clercs de Saint-Viateur, à l'école publique, «naturalistes» héritiers de Marie-Victorin, pionniers de l'écologie, amoureux fous de la nature (c'est ainsi qu'on nommait «l'environnement»), passionnés de science biologique.

Au cégep, j'ai eu la chance d'avoir quelques jésuites, professeurs érudits et généreux.

Aucun de ces enseignants ne m'a tripoté, soit dit en passant.

Je n'entretiens donc aucune rancune personnelle envers l'institution.

Tous les gens d'Église admirables que j'ai pu connaître avaient ceci en commun. Ils pensaient incarner l'exemple du Christ dans ce qu'on appelle l'amour du prochain: don de soi, aide, enseignement, etc. Ils n'avaient pas d'intérêt particulier et connu pour la morale sexuelle de l'Église et je ne me souviens pas qu'ils aient perdu beaucoup de temps à tenter de nous l'injecter. Ce n'était déjà plus la peine il y a 30 ou 35 ans.

Ça semble pourtant encore et toujours la grande obsession de la hiérarchie catholique, ces jours-ci.

Avant de reformuler hier ses excuses ratées du printemps pour les milliers de victimes des prêtres pédophiles, Benoît XVI s'est lancé jeudi dans une apologie du célibat des prêtres.

Il ne lui suffisait pas de dire que le célibat forcé n'est pas la cause des scandales de pédophilie - ce que bien des études confirment: la vie de couple ne prémunit pas contre la pédophilie, pas plus que le célibat n'y prédispose.

Il ne s'est pas arrêté non plus à la défense classique du célibat: être religieux est davantage qu'un emploi, c'est un don de soi qui suppose un dévouement tellement grand qu'il s'accommode mal des devoirs familiaux.

Non, le pape est allé jusqu'à dire que le célibat est «le meilleur antidote» contre le péché et «d'autres scandales causés par nos insuffisances de mortels».

Que le célibat n'augmente pas les risques de pédophilie est une chose. Mais en quoi le fait de n'être pas marié ou en couple éloigne-t-il le prêtre du péché et des déviances? Voilà qui est bien mystérieux et que les scandales des dernières décennies ne confirment pas tout à fait...

Le pape va jusqu'à dire que s'il fallait que disparaisse le célibat des prêtres, ce sont les racines mêmes de la culture chrétienne qui s'évanouiraient. Le «fondement de la culture chrétienne» serait donc ce mariage entre le prêtre et Dieu, comme entre un homme et une femme. Ce «oui définitif».

Les protestants connaissent pourtant des prêtres mariés comme d'autres célibataires qui tous se réclament du christianisme.

Le célibat des prêtres n'est rien d'autre qu'un dogme catholique historiquement daté. On peut s'attendre à ce qu'un pape, et celui-là en particulier, défende les anciens dogmes. Mais en faire un fondement de la culture chrétienne révèle plutôt une sorte d'obsession sexuelle. Une obsession de contrôle de la sexualité, qui se manifeste à intervalles réguliers sous différentes formes chez le pape comme chez le cardinal Ouellet.

Moi qui croyais que le fondement de la culture chrétienne était la vie de Jésus, pas dans son célibat, mais dans une certaine idée de l'amour. Mais bon, je ne suis ni théologien, ni pape, ni chanoine honoraire.

J'observe seulement cette Église crispée dans sa morale sexuelle, qui s'y accroche désespérément comme un noyé à sa bouée.

C'est cette même hiérarchie qui a caché et refoulé les déviances sexuelles de ses prêtres. Qui est couverte de honte et qui aujourd'hui demande pardon «avec insistance».

En ce sens il y a un lien entre cette morale et les scandales de pédophilie. Non pas dans le passage à l'acte de prêtres privés de sexualité. Mais dans l'incapacité de toute l'organisation, même récemment, de faire face au problème.

«La plus grande persécution contre l'Église ne vient pas de ses ennemis de l'extérieur mais naît des péchés de l'Église», a dit le pape le mois dernier.

Là-dessus, on est bien d'accord.

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca