Le hockey québécois est en panne de joueurs d'élite et Hockey Québec, croulant sous les critiques, cherche des solutions.

L'avenir passe par une intégration sport-études plus poussée. Seul problème, mais problème de taille : faut-il se servir du sport pour améliorer la persévérance scolaire... ou se servir de l'école pour mieux former l'élite ?

Des gens au ministère de l'Éducation pensent qu'on peut répondre «les deux». Mais les choses ne sont pas aussi simples qu'il y paraît.

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L'exemple du hockey bantam AA l'illustre assez bien. Ce printemps, après des consultations en comité restreint, plusieurs associations régionales du Québec ont décidé que dorénavant, les joueurs de bantam AA devraient obligatoirement étudier dans certaines écoles secondaires bien précises.

Les joueurs bantam ont 13 et 14 ans et sont donc presque tous en 2e ou 3e secondaires. Jusqu'ici, ces joueurs sont sous la responsabilité d'associations municipales. Comme le bantam AA est le plus haut niveau à cet âge, il faut généralement regrouper les meilleurs joueurs de plusieurs municipalités pour former une équipe (en fonction du bassin de joueurs).

Ces joueurs vont dans différentes écoles et se retrouvent les soirs de semaine et la fin de semaine.

Le hic, c'est que bien souvent, le temps d'entraînement sur glace est limité. Dans la Montérégie, où il ne s'est pratiquement pas construit de patinoires publiques depuis 1975, on se bagarre pour obtenir une heure de glace - évidemment toujours le soir et la fin de semaine.

Le bantam AA, dans bien des cas, n'a qu'une à trois heures d'entraînement par semaine sur la patinoire. Ce qui fait dire à certains que l'élite québécoise est sous-entraînée.

Or, il se trouve que les mêmes patinoires que convoitent hockeyeurs de tout poil et patineurs plus ou moins artistiques sont absolument désertes pendant la journée. D'où l'idée d'amener les joueurs d'élite dans une seule et même école et de les faire profiter de ces patinoires.

Au niveau Midget AAA, l'élite de 15 et 16 ans, les joueurs doivent être affiliés à une école donnée. Le système fonctionne relativement bien et ne récolte pas les critiques adressées au hockey junior : l'école se marie encore assez bien au hockey et plusieurs joueurs sont même d'excellents élèves.

Hockey Québec a donc poussé pour qu'on implante le même genre de système pour le bantam AA, et le fera pour le pee-wee AA bientôt.

Mais voilà, le modèle a été implanté sans aucune discussion publique préalable. Des associations régionales ont tout bonnement annoncé au mois d'avril aux parents que tous les joueurs Bantam AA seraient réunis dans une seule école dès le mois de septembre.

Ce peut être une école privée ou une école publique : le joueur-élève n'a pas le choix. Ainsi, sur la Rive-Sud, on a désigné le Collège français pour certaines villes et le collège Charles-LeMoyne pour d'autres.

Les élèves ont déjà commencé leur cours secondaire dans différents endroits et un grand nombre de parents ne sont pas du tout intéressés à les déménager d'école.

Les joueurs de Bantam AA qui vont à l'école publique paient en ce moment 400 $ pour s'inscrire au hockey, plus de nombreux frais pour les tournois. Ils devront maintenant payer 4500 $ pour aller au Collège français (3200 $ pour la scolarité, plus le transport et autres frais du programme).

D'autres familles envoient leurs enfants au privé, mais dans d'autres écoles qu'ils préfèrent pour toutes sortes de raisons académiques et géographiques.

Et puis, les élèves anglophones qui étudient dans leur langue ne souhaitent pas non plus changer.

«Ils ne nous ont donné aucun délai et pour plusieurs parents, c'est hors de question», dit Charles El-Mir, président d'un regroupement de cinq villes sur la Rive-Sud. Pour les parents qui ont des enfants au public, c'est une facture assez salée qui leur tombe dessus sans avertissement. «C'est bien, le sport-études, mais il faut une certaine souplesse, ne pas imposer une école à tout le monde à quatre mois d'avis !» dit-il.

Jacques Fafard, président de la région Richelieu, repousse toutes les objections. «La plupart des gens sont contents et moi, je suis très fier. Les jeunes vont être encadrés du côté études, ceux qui ne veulent pas peuvent jouer dans le BB (le niveau inférieur).» Les anglophones peuvent venir se joindre aux entraînements d'après-midi, d'autres choisissent d'étudier en français, dit-il. Pas plus compliqué!

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Bref, on a trouvé une solution à un problème de hockey et de «temps de glace» pour une élite sportive, mais sans trop s'interroger sur les besoins scolaires des élèves. Ce n'est pas un souci scolaire qui motive ce genre d'opération.

L'autre élément qui transparaît entre les lignes de cette histoire, c'est que le hockey d'élite pour les jeunes est moins que jamais un sport «populaire». Il est de plus en plus clairement réservé aux classes les plus fortunées. Et on ne fera qu'aggraver la situation.