Woah, le Québec, province la plus corrompue du Canada! Quel scoop, mesdames et messieurs, faut lire le Maclean's!

«Comme les politiciens et experts de tous horizons politiques l'ont dit au Maclean's, l'histoire de la corruption est si longue et profonde au Québec qu'elle a nourri une culture de méfiance de la classe politique.»

Quels sont donc ces experts et politiciens? Un prof d'éthique de Toronto, Amir Khadir à gauche, Éric Duhaime à droite et un député libéral.

Nous voilà couverts.

Inutile, en fait, de faire la démonstration de la prévalence de la corruption au Québec: c'est un fait bien établi, de commune renommée à Toronto.

Oh, certes, seulement depuis que je pratique ce métier, trois premiers ministres de la Colombie-Britannique sont partis sous un nuage d'allégations criminelles, sinon carrément des accusations. L'auteur le mentionne d'ailleurs, tout comme le scandale inaugural du Canada, pour ainsi dire, l'affaire du Canadien Pacifique, qui envoya John A. MacDonald lui-même devant une commission d'enquête.

Car nul territoire au monde n'est totalement à l'abri de la corruption.

Mais au Québec, la chose est plus profonde, nous apprend-on. C'est un peu dans la psyché collective, voyez-vous. Et l'auteur de rappeler les belles années de «patronage» de Maurice Duplessis, de citer la commission Cliche sur la construction, les histoires de l'hôtel de ville de Montréal, les commandites et j'en passe.

Il ne manque au palmarès que l'affaire des culottes à Vautrin.

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Qu'importe, le but de cet article n'est pas de démontrer ce que tout le monde sait. C'est d'enfin nous fournir une explication sociologique.

Pourquoi donc ces Québécois sont-ils comme ils sont?

Eh bien, c'est la faute du nationalisme. Pendant qu'on débat sans cesse de la place du Québec dans le Canada, personne ne surveille les magouilleurs.

Voilà le Bonhomme Carnaval enfin expliqué - n'est-il pas le symbole de l'hédonisme niais de ce peuple sans moralité?

L'auteur souligne d'ailleurs habilement que Maurice Duplessis, comme par hasard, était extrrrrêmement nationaliste. Oui, madame. Ceci explique cela!

On aurait du mal, pourtant, à trouver un gouvernement plus propre que celui du Parti québécois de René Lévesque (1976-1985), qui a fait voter la loi la plus sévère sur le financement des partis politiques. C'était une exception qui confirme la règle, je suppose.

Le rédacteur en chef Andrew Coyne nous explique une autre raison du degré de corruption québécois: les médias québécois sont allergiques à l'autocritique constructive et voient toute exposition des tares nationales comme du Québec bashing.

Ce sont pourtant des médias d'ici qui ont exposé la collusion dans l'industrie de la construction, qui réclament une commission d'enquête sur le sujet, les liens avec le financement politique, etc. Où est donc cette complaisance pathologique du Québec?

On dira qu'elle est, par exemple, dans ce texte. Ah! On le sait ben, suffit de critiquer le Québec à Toronto et les indigènes s'énervent. Qu'est-ce qu'on doit se bidonner de voir le Bonhomme Carnaval menacer de poursuivre le magazine!

Sauf que dans les ambassades, dans les consulats, ce genre de merdes sociologico-journalistiques tiennent lieu de vérité. Pensez, c'est écrit dans le Maclean's!

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Il se peut fort bien, remarquez, que la corruption soit plus répandue au Québec. Encore faudrait-il le démontrer avec un minimum de rigueur. Et si oui, à quel point?

Il y a des indicateurs de corruption, des organismes se penchent sur le phénomène et comparent les pays entre eux. Encore faut-il se fonder sur des données, pas seulement une collection de manchettes.

Peut-on dire que le scandale des commandites était pire que celui des Ressources humaines? Personne ne se souvient des Ressources humaines, parce qu'il n'y a pas eu de commission d'enquête, mais on avait englouti partout au Canada 1 milliard dans des projets bidon et les médias parlaient du «plus gros scandale» de l'histoire canadienne en 2000.

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J'ai pensé écrire un article qui commencerait comme ceci: Bre-X! Nortel! Conrad Black! Les institutions de surveillance boursières de Toronto sont les pires du monde! D'après un historien de Chicoutimi, c'est parce qu'il y a dans la psyché canadienne-anglaise une avidité telle qu'on a fermé les yeux complaisamment, laissant ainsi disparaître des milliards en Bourse. Je citerais ensuite le défunt Robert Cliche, celui de la commission, qui disait: en bas de 20 000$, c'est de la fraude, au-dessus, c'est de la haute finance. Pas mal, non?

Ou, plus punché encore, bien que tout aussi stupide: Pickton! Olson! La Colombie-Britannique est la terre des tueurs en série canadiens! D'après un psychologue de Trois-Rivières, c'est à cause de la pluviosité.

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La condescendance coloniale fait toujours recette quand il s'agit d'expliquer le Québec à Toronto. Les vieilles thèses des années 50 de Pierre Trudeau - le lien entre nationalisme, étroitesse d'esprit, moeurs politiques corrompues, etc. - sont indémodables.