À partir du moment où Russell Williams s'est avoué coupable de deux meurtres prémédités, le juge n'a aucune marge de manoeuvre. La peine est automatique: l'emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Deux fois.

Pourquoi donc étaler tous les détails horribles de ses crimes pendant trois jours? Il n'y a aucun débat, aucune ambiguïté. Un résumé des faits essentiels n'aurait-il pas suffi?

Non. La Cour doit recevoir avec suffisamment de précision les faits de l'affaire avant de la juger, aussi pénibles à écouter soient-ils.

D'abord, Williams, en plus d'avoir tué deux femmes, en a agressé sexuellement deux autres. Il s'est avoué coupable de ces crimes aussi. Comme il a reconnu avoir commis 82 introductions par effraction pour voler de la lingerie féminine. Ces crimes devaient être exposés pour que le juge inflige la peine appropriée.

Ensuite, les médias, qui réclament avec raison la plus grande transparence possible du pouvoir judiciaire, seraient bien malvenus de réclamer aux juges et au ministère public une sorte de voile sur les faits trop choquants. Les faits doivent être dévoilés en public à la cour, afin que le juge puisse mesurer l'étendue et la gravité du crime. Et également parce que le public en général a le droit - s'il le veut - d'être informé des faits qui justifient les sentences des tribunaux. Il a aussi le droit - s'il le veut - d'observer les profondeurs les plus noires de l'âme humaine. Les archives des tribunaux sont un catalogue des horreurs et des souffrances humaines. Libre à chaque adulte d'y entrer ou non pour les contempler.

Généralement, on reproche au ministère public de ne fournir que trop peu de faits et d'explications dans les affaires controversées qui se règlent commodément par un aveu de culpabilité. En particulier quand elles impliquent une personnalité connue. C'est d'ailleurs l'un des objectifs stratégiques d'une reconnaissance de culpabilité: couper court à la couverture médiatique, sortir de l'affaire en glissant sur un résumé bien lisse des faits, les escamoter.

Autant pour le travail du juge que pour la compréhension publique, les faits essentiels doivent donc être exposés avec un minimum de détails. Dans une affaire horrible, les détails sont horribles par définition.

On n'ira pas blâmer la Couronne d'avoir fait son travail. Ce travail consistait également à faire la preuve des crimes pour lesquels la peine n'est pas automatique (les agressions et les introductions). Ces crimes aussi sont graves et devaient être punis.

La Couronne aurait assez facilement pu obtenir de faire déclarer Williams «délinquant dangereux» dans le cas des agressions sexuelles (dans le cas du meurtre, qui entraîne l'emprisonnement à vie, ce n'est pas possible). Ce statut entraîne une peine indéterminée: le délinquant est réévalué périodiquement, mais peut demeurer emprisonné sa vie durant, tant on le considère comme imprévisible.

«Assez facilement», donc, mais après avoir fait une preuve psychologique détaillée et donné encore plus de détails sur ses crimes. On a jugé que cela n'était pas nécessaire, avec raison. Williams a 47 ans et ne sera que très théoriquement admissible à une libération à 72 ans. S'il est encore en vie, il n'y a en vérité aucune chance qu'il soit libéré. Une déclaration de délinquant dangereux aurait donc été inutile et inutilement pénible pour ses victimes.

Cela dit, tout ce qui est dit et doit être dit devant les tribunaux, les médias sont libres de le rapporter selon leur plus ou moins bon jugement. On peut se complaire ou non dans les détails morbides, les rapports d'autopsie, les photos de cadavres. Pas besoin d'aller au procès de Williams.

À partir de là, c'est une question d'exercice plus ou moins raisonnable de la liberté. On peut décider de diffuser les photos de Williams dans les sous-vêtements qu'il a volés. Personnellement, ça me dégoûte. Je n'ai pas besoin de voir ça et je ne les diffuserais pas. Parce que l'image, qui ne contient aucune information essentielle, s'impose au lecteur, contrairement au texte, qu'on choisit de lire.

J'accepte cela malgré tout, comme les autres usages exagérés, déraisonnables, irresponsables de la liberté d'expression. Si l'on est libre, on l'est aussi de mal choisir.