Jared Lee Loughner aimait le jazz et le hip-hop. Il s'est tourné vers le heavy metal après une peine d'amour. Samedi dernier, il s'est fait connaître du monde entier comme le tueur fou de Tucson.

Est-ce la faute de la musique?

Jared Lee Loughner était bon élève et ne prenait pas de drogue. Vers l'âge de 17 ans, il s'est mis à fumer de la marijuana et à prendre des champignons hallucinogènes. Samedi dernier, il a tué six personnes dans un petit rassemblement politique, en plus d'en blesser gravement treize.

Est-ce à cause de la drogue?

Jared Lee Loughner avait les cheveux longs et frisés jusqu'à que sa copine rompe avec lui. Il s'est rasé la tête et s'est mis à se tenir avec des «gothiques». On l'a vu avec du vernis à ongles noir.

Samedi dernier, il a tué une fillette de 9 ans, un juge fédéral et quatre autres personnes, dont un homme qui s'est jeté devant sa femme pour ne pas qu'elle reçoive le projectile fatal.

Faut-il blâmer le gothique?

La mère du jeune homme, d'après ce que nous en dit le Washington Post, avait des épisodes de profonde dépression durant lesquels elle ne sortait pas de la maison. Le père avait de fréquentes et violentes querelles avec son fils. Le grand-père a été emprisonné quand le père avait 6 mois.

On sait ce qui s'est passé samedi.

Alors, la faute du grand-père, du père, de la mère 

J'ai oublié de dire que Jared Lee Loughner passait des heures à jouer aux jeux vidéo, qu'il était obsédé par les mathématiques, la logique formelle et la grammaire, qu'il se passionnait depuis peu pour une oeuvre de science-fiction qui dénonce l'État tout-puissant et la grande entreprise. Peut-on, alors, trouver la cause de sa folie meurtrière quelque part?

On cherche, évidemment, parce qu'un comportement irrationnel et imprévisible est trop effrayant, trop insupportable.

On «tente d'imposer un peu d'ordre dans le chaos, de trouver un sens à ce qui semble insensé», a dit Barack Obama, dans son très bon discours, mercredi.

Ces tragédies ressemblent au test psychologique de Rorschach, qui consiste à montrer une série de taches au patient. On lui fait dire ce qu'il voit. Et sans trop s'en rendre compte, il se révèle.

De la même manière, on peut projeter ce qui fait notre affaire dans le geste d'une personne qui a perdu le contact avec la réalité.

Sitôt la tragédie arrivée, on s'est précipité pour dénoncer le climat politique toxique aux États-Unis. On venait de tenter d'assassiner une politicienne démocrate. Et il y a effectivement une dérive dans le discours politique et dans le ton des médias. Il y a l'insupportable Sarah Palin et toute cette droite nihiliste, débile et agressive.

Alors, sans même attendre de savoir quoi que ce soit sur l'auteur de cette tuerie, déjà, de partout, on a été tenté de dire que ce climat, cette mouvance étaient la cause de ces meurtres.

Le peu qu'on connaît maintenant de Loughner ne permet pas de déceler une raison politique le moindrement organisée. Plutôt un esprit délirant, psychotique. Comme tant d'autres auteurs de tuerie, particulièrement aux États-Unis, un esprit profondément malade. Qui a eu accès à une arme sans aucune difficulté. Et qui a choisi une cible facile et spectaculaire. Ce qu'elle représentait vraiment dans son esprit délirant? Le gouvernement, l'autorité, sa mère... Allez savoir. Mais en faire l'extension armée, ou la conséquence logique du Tea Party, c'est séduisant, mais c'est totalement gratuit.

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Bien sûr, il faut tenter de comprendre, a dit le président américain. Mais en ce moment, personne ne peut dire vraiment ce qui s'est passé dans la tête de Loughner ni ce qui aurait pu l'empêcher d'agir.

Encore une fois, Obama a trouvé les bons mots et le ton juste pour parler aux Américains. Il a parlé des victimes, il a parlé de Dieu, évidemment, il a parlé du courage de ceux qui ont désarmé l'assassin.

Obama a voulu se servir de cette histoire, qui montre l'un des pires côtés des États-Unis, pour en révéler le côté le plus brillant: une rencontre entre une élue et des citoyens, l'exercice très simple, au ras du sol, de la démocratie américaine. L'héroïsme dans sa plus simple et sa plus naturelle expression. Il a parlé autant de la compassion individuelle que de l'amélioration de la vie publique. Il faut un certain talent pour clore dans l'optimisme et l'espoir un discours sur un crime aussi absurde, et y faire croire.

Et s'il a salué la nécessaire «discussion nationale» sur le sens de tout cela, il a appelé à l'humilité et à un peu de réflexion.

Bonne idée, monsieur le président.