Une semaine en reportage à l'étranger et on vous déclenche des élections dans le dos.

Coup bas, je dis.

J'essaie de me mettre au parfum et ce n'est pas simple.

Stephen Harper dit que les autres veulent faire une coalition. Les autres disent qu'ils ne veulent pas faire une coalition, mais que Stephen Harper voulait en 2004. Stephen Harper répond qu'il faisait semblant.

Allez donc vous y retrouver.

Les enjeux politiques canadiens sont d'une complexité, ma foi, inextricable.

Et on nous demande de voter!

Heureusement, Radio-Canada a mis à la disposition du public un peu mêlé un outil hautement pédagogique.

Ça s'appelle la Boussole électorale. Vous répondez à 30 questions sur les enjeux électoraux, quelques questions sur les chefs des 5 principaux partis, et on vous dit de quel parti vous êtes «le plus proche» et de quel parti vous êtes le plus éloigné. Plus de 600 000 clics déjà sur la boussole.

Le programme a été conçu par «une équipe de politologues canadiens comprenant un groupe consultatif constitué des plus éminents spécialistes de l'étude des politiques électorales au pays».

Attention! On ne veut pas vous donner de «conseils» électoraux, mais simplement susciter votre intérêt pour la chose politique et le programme des partis.

Dûment mis en garde, je me lance.

Je réponds à toutes les questions comme si j'étais un militariste antiavortement amateur d'armes et férocement bitumineux. On me dit que je suis proche des conservateurs.

O.K. Facile.

Je ressaie. Je réponds «ni plus ni moins» à toutes les questions.

Y a-t-il trop d'argent privé en santé? Ni plus ni moins. Êtes-vous pour que le Québec devienne indépendant? Ni plus ni moins. Faut-il augmenter la présence militaire en Arctique? Ni plus ni moins.

Résultat: cette mièvrerie radicale de l'opinion, cet extrême centrisme fait que je suis plus proche du Parti libéral et plus éloigné du NPD.

Eh ben.

Nouvel essai. Je réponds «ne sais pas» à toutes les questions sauf une: je dis qu'il y a beaucoup trop d'argent privé en santé. Résultat: je suis plus près du Parti vert.

Je ressaie en disant de nouveau «ne sais pas» à toutes les questions sauf trois. Je dis que je suis «fortement d'accord» pour retirer les troupes d'Afghanistan immédiatement, «fortement d'accord» pour inscrire la nation québécoise dans la Constitution et «fortement d'accord» pour réaliser l'indépendance du Québec.

Résultat? Je suis plus proche du Parti libéral!

Souverainistes antimilitaristes, soyez avisés: un Denis Coderre sommeille en vous. Pas facile, je sais.

Si par contre vous êtes indécis en toutes choses, mais que vous êtes contre le mariage gai et pour la souveraineté du Québec, la boussole vous trouve au Parti conservateur, toujours pas au Bloc québécois.

En somme, on ne peut pas être bloquiste de droite. La variable du «libéralisme social» pèse davantage que l'option politique la plus fondamentale au Québec: le statut constitutionnel.

La grande ligne de séparation des eaux politiques québécoises depuis 40 ans, la question nationale, serait-elle en train de devenir plus floue? Pas sûr, même si l'on a vu plusieurs régions souverainistes voter conservateur depuis 2006. Autrement dit, les conservateurs ont réussi, ici et là, à ravir des votes aux bloquistes en misant sur certains enjeux bien précis.

Mais d'après le dernier sondage CROP, ceux qui ont voté oui au dernier référendum votent pour le Bloc à 76%, pour le NPD à 14%, pour les conservateurs à 4%, pour les verts à 5% et pour le PLC à... 1%.

Comment, donc, trouver son chemin au PLC en étant souverainiste ET contre la présence canadienne en Afghanistan?

C'est un mystère qui, s'il s'avérait, nous obligerait à conclure que les intentions de vote des électeurs sont, littéralement, insondables.

Vais me chercher une autre boussole.