Il a beau être un emmerdeur, Denis de Belleval n'est pas un fumiste. Juridiquement, sa contestation du projet d'amphithéâtre est loin d'être «dingue».

Il soulève des objections de principe qui devraient faire réfléchir les députés de l'Assemblée nationale, dont certains ont perdu tout esprit critique tant il vente fort à Québec.

Sur son site (amphitheatre-quebec.org), il expose très clairement son argumentation.

Et son objection au projet d'amphithéâtre multifonctionnel repose essentiellement sur un argument: la Ville de Québec outrepasse les pouvoirs d'une municipalité.

Les villes ne peuvent pas faire n'importe quoi n'importe comment, et il y a de très bonnes raisons pour ça: assurer l'honnêteté et la bonne gestion des municipalités.

Il ne s'agit pas tellement d'une question d'appel d'offres. Une ville peut très bien louer un édifice sans lancer d'appel d'offres, dans la mesure où elle le fait à la juste valeur marchande. Il serait difficile de prétendre que le maire de Québec n'a pas obtenu la meilleure offre pour ce genre de projet.

Les appels d'offres sont exigés quand la Ville dépense de l'argent. Au moment de la construction de l'immeuble, il faudra mettre en concurrence divers entrepreneurs.

La question n'est donc pas là. Il faut plutôt se demander si une ville peut subventionner une activité de ce genre - hockey professionnel et spectacles. Et la réponse des diverses lois québécoises ressemble à un gros «non».

Il existe une toute petite loi de deux articles qui s'appelle la Loi sur l'interdiction de subventions municipales.

Les exemptions de taxes pour un commerce sont interdites. Comme le fait de céder l'utilisation d'un immeuble à des fins commerciales.

La même loi prévoit la possibilité de s'adresser aux tribunaux pour faire annuler une telle subvention.

Est-ce que la construction d'un immeuble par la Ville pour servir à Quebecor Media et à son éventuelle équipe de hockey ou à sa société de production de spectacles répond à cette définition?

Ce n'est pas si sûr, vu qu'on a prévu la création d'une société de gestion à but non lucratif pour s'occuper de l'amphithéâtre.

Sauf qu'une autre loi interdit aux villes de construire un édifice «principalement aux fins de le louer». On ne veut pas que les villes se lancent dans l'immobilier, en somme.

Il y a des exceptions s'il s'agit de loisirs, comme dans le cas d'une bibliothèque ou d'une association qui gère un club de curling.

Mais à première vue, le projet de divertissement commercial n'entre pas facilement dans les compétences municipales que définit la loi. On est loin de la piscine municipale.

Les congés de taxe sont interdits, sauf exception ou loi privée. N'est-ce pas ce qu'on a ici?

Comme c'est souvent le cas en droit, les choses ne sont pas tout à fait noires ou blanches. Les gens de la Ville de Québec connaissent très bien les écueils à contourner.

Mais Denis de Belleval a une cause très sérieuse, quelles que soient ses motivations, et quoi qu'on pense du mérite du projet Labeaume, du retour des Nordiques et de tout le reste.

S'il n'y avait pas de cause, il n'y aurait aucun besoin de recourir à une loi d'exception pour empêcher une éventuelle contestation.

Si je me souviens bien, pourtant, l'un des grands thèmes de l'année politique québécoise est la corruption municipale.

Ou disons, pour être plus neutre, ce qu'ils appellent dans les colloques «la gouvernance».

Ça vous rappelle quelque chose? Contrats trop avantageux ici, terrains municipaux vendus à vil prix par là, copinage et tours de bateau?

Si ma mémoire est bonne, on a créé deux, trois escouades et groupes de surveillance qui visaient en particulier les municipalités.

C'est pour éviter cela qu'on a ces lois depuis des années.

Pour empêcher l'arbitraire des autorités municipales, les dérives des finances publiques, la gestion déviante. Quels que soient le maire ou la ville.

Pas pour le trip, ô combien grisant, d'un débat sur les virgules d'un contrat.

Niaisage, dites-vous?

C'est au contraire une interrogation fondamentale et tout à fait légitime sur le rôle et les pouvoirs d'une ville.

Le cadre qu'on a dessiné n'est pas là seulement pour les maires impopulaires ou douteux de la couronne nord.

Il est là aussi pour les exaltés archi-plébiscités qui s'estiment moralement supérieurs.

Et pour tous les autres. Un bon projet doit se défendre politiquement, économiquement et juridiquement.

Commencera-t-on à faire des exceptions à la tête du client? Oui pour Labeaume, non pour Vaillancourt?

Mauvaise politique, mauvaise gestion, mauvais droit.