Ouf, ouf, laissez-nous respirer, une péquisterie n'attend pas l'autre. Après la démission de quatre députés importants, on assiste à un palpitant échange épistolaire entre Jacques Parizeau et un «collectif de jeunes péquistes» (qu'est-ce qu'on nous sortira encore comme appellation? Une table de concertation de péquistes juvéniles?).

Ce qu'il y a de curieux cette fois-ci, c'est que Jacques Parizeau n'avait absolument rien dit publiquement sur la crise qui a mené son épouse Lisette à démissionner avec trois autres.

On l'a vu à l'Assemblée nationale ce jour-là, certes. On le soupçonne d'avoir inspiré les rebelles. Mais pas un mot.

Et voilà que cinq jours après ces démissions, ce «collectif» lui adresse une lettre solennelle dans Le Devoir demandant que l'ancien premier ministre leur «fasse confiance».

Et pourquoi donc?

Ils disent qu'ils appartiennent à une génération «qui est souverainiste pour des raisons différentes de nos parents».

Ils enchaînent ensuite pour parler de développement durable, d'indépendance énergétique, de transports en commun et de solidarité internationale.

Euh... OK, mais quel est le rapport au juste? Pourquoi écrire ça, là, maintenant, à Monsieur? S'est-il prononcé contre le tramway ou pour le gaz de schiste? Est-il fermement opposé au compostage?

Étrange lettre, de dire Jacques Parizeau. En effet, très étrange.

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Comme dans toute bonne péquisterie, pour la comprendre, il convient de lire entre les lignes, aussi minces soient-elles.

Après tout, ces signataires comptent parmi les plus brillants de la députation péquiste.

Quel est leur objectif? Affirmer leur soutien à Pauline Marois, évidemment. Montrer que la nouvelle génération la soutient et que ce sont des «anciens» qui s'agitent contre la chef.

Mais ce texte «collectif» qui tentait au fond d'écarter et de disqualifier M. Parizeau, a produit l'exact opposé: une réplique cinglante et bien méritée, publiée hier dans le même Devoir.

«Vous n'attirerez pas l'attention de journalistes avec ce genre de fanfaronnade», écrit le patriarche.

Il trouve le programme du PQ concernant la souveraineté particulièrement faible et la stratégie somme toute consternante.

Il se plaint ensuite de ce qu'on ne laisse pas les débats se faire au PQ ni sur cette question existentielle ni sur l'affaire de l'amphithéâtre.

Voici donc attaqué de front, et très clairement, le leadership de Pauline Marois.

Beau travail...

Les médias ont reçu hier le communiqué des «jeunes patriotes», un petit groupe bruyant d'ultras, qui attaquent violemment le «collectif», disant que ce sont de faux jeunes, etc.

Ce n'est évidemment pas fini. Le «collectif» a répliqué en s'en prenant au style de direction M. Parizeau, qui fut à son époque au moins aussi autoritaire que Pauline Marois.

Ce qui bien entendu appellera d'autres réponses de tout un chacun. On en a pour l'été.

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On dira que ces échanges vivifiants sont la marque d'un parti qui débat d'idées. Ce n'est pas faux.

Mais ce n'est pas tout à fait vrai non plus.

Ces querelles incessantes ne sont que la répétition, en plus pathétique, des querelles stratégiques qui divisent le PQ depuis sa fondation.

Faut-il prendre le pouvoir et faire un référendum, ou prendre le pouvoir et déclarer l'indépendance? Faut-il annoncer un référendum dès la prise du pouvoir, ou attendre les «conditions gagnantes» ?

Et ainsi de suite.

Rien de nouveau, en somme. La différence cette fois-ci, c'est que les conditions sont réunies pour bien plus qu'un autre changement de chef. Ça sent l'effondrement terminal. Au moment même où les libéraux se sont disqualifiés tant et plus...

Les élections fédérales du 2 mai ont indiqué que la «question nationale» n'est plus le moteur principal du vote québécois. Des souverainistes, voyant l'hypothèse d'un référendum gagnant s'éloigner, sont très bien capables de voter pour le NPD.

Ce vote de souverainistes fatigués est plus volatil que jamais. Ils ne sont plus acquis au PQ, même au moment où les libéraux sont censés être au plancher. Les sondages indiquent que François Legault a le vent en poupe et pourrait ravager le PQ - et l'ADQ, et le PLQ.

La guerre est éternelle entre péquistes pragmatiques et idéologiques. Les premiers veulent d'abord prendre le pouvoir et convaincre les Québécois en «gouvernant bien». Les seconds veulent faire la souveraineté en arrivant au pouvoir ou carrément rester dans l'opposition en attendant.

Mais cette fois-ci, elle prend un tour plus dramatique. Songez que Louise Beaudoin n'est plus péquiste!

Ces déchirements n'auraient pas lieu si le pouvoir et un possible référendum gagnant étaient en vue. Ils ne le sont pas.

Ce n'est pas pour rien que le mouvement Legault les fait paniquer. Lui qui propose une sortie du vieux débat binaire souverainistes/fédéralistes dépasse tous les partis, sans même en avoir fondé un...

Non, cette fois, ces péquisteries en apparence classiques cachent une lutte finale entre les deux faces du parti.