Les procès autour d'un héritage sont rarement jolis, et celui qui oppose la famille d'Arturo Gatti à sa veuve ne fait pas exception.

Jusqu'ici, l'avocat de la famille Gatti a tenté de faire ressortir le caractère explosif et mesquin d'Amanda Rodrigues.

Mais si j'ai bien lu les jugements sur le sujet, il en faudra épais pour la faire déclarer «indigne» et l'empêcher de toucher l'héritage de 6,5 millions de dollars, gelé jusqu'à présent par ordre de la Cour.

Quoi de plus? Un meurtre, par exemple.

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D'où l'embauche à grands frais d'une équipe d'experts qui a déclaré aux médias, au New Jersey, qu'Arturo Gatti avait été assassiné, en juillet 2009, dans un appartement au Brésil. Selon eux, il a été étranglé.

La police brésilienne a conclu à un suicide. Gatti aurait pris une courroie de sac à main pour se pendre à l'escalier.

Le corps du boxeur de 37 ans a été rapatrié à Montréal, et la famille a tenté de s'en emparer pour faire faire une autre autopsie. Le Bureau du coroner a refusé et a procédé lui-même à l'autopsie, devant témoins.

Deux ans plus tard, le rapport officiel de cette autopsie n'est pas encore terminé - un délai malheureusement habituel. Mon collègue André Noël a toutefois révélé que le médecin légiste québécois a conclu également à un suicide par pendaison.

Une dépêche a indiqué hier que les autorités brésiliennes avaient «rouvert l'enquête» à la lumière du rapport des experts embauchés par les Gatti. Ça ne veut peut-être pas dire plus que de lire le rapport.

Les gens qui ont participé à cette enquête privée ne sont pas des fumistes (ancien agent spécial du FBI, pathologiste renommé, etc.). Mais certains d'entre eux sont aussi experts en coups médiatiques qu'en science médicale. Comme le Dr Cyril Wecht, 80 ans. L'homme a réexaminé très souvent pour les médias les rapports d'autopsie de personnalités, de John F. Kennedy (il est l'auteur de la théorie de la deuxième arme) à Marilyn Monroe en passant par Elvis Presley.

Ces experts disent d'avance que la deuxième autopsie, pratiquée au Québec, ne vaut rien parce que ses auteurs n'ont pas analysé la scène du crime.

Un médecin légiste embauché par les Gatti pour y assister avait pourtant dit à La Presse, en 2009, qu'on ne pouvait exclure la thèse du suicide - ni celle du meurtre - après cette autopsie.

Autrement dit, beaucoup de doutes entourent cette mort. Comme le fait qu'Amanda Rodrigues soit allée dans la cuisine à 6h du matin chercher du lait pour le bébé, tandis que le corps de Gatti gisait dans une mare de sang. Elle a cru qu'il était ivre et qu'il dormait là, tout bonnement.

Tout cela est étrange - comme leur relation en général. Mais supposons qu'elle ait voulu camoufler un meurtre en suicide. Aurait-elle utilisé une courroie de sac à main?

Bref, tous ces doutes ne prouvent rien, et cette enquête privée, dévoilée en plein milieu du procès comme pour impressionner la Cour, n'a aucune valeur juridique.

Le procès qui se déroule au palais de justice de Montréal devant la juge Claudine Roy ne consiste pas du tout à déterminer s'il y a eu meurtre ou non.

Il consiste à déterminer si Mme Rodrigues est «indigne».

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Une personne «indigne» n'a pas le droit d'hériter. L'exemple évident: l'héritier a assassiné le défunt.

Encore que... pas plus tard que l'an dernier, la Cour d'appel a refusé de déclarer indigne un homme qui avait tué ses parents à coups de hache, mais qui avait été déclaré non responsable pour cause de troubles mentaux, ses gestes étant involontaires pour cause de délire.

À part le meurtre, on peut déclarer «indigne» une personne qui a eu un comportement «hautement répréhensible» envers le défunt.

Dans cette catégorie, on trouve des parents qui ont soutiré de l'argent à leur enfant handicapé, d'autres qui ont écrit un faux testament qui les avantageait, diverses fraudes. Ou un enfant qui maltraite ses parents et les force à demeurer chez lui.

Un petit-fils ingrat qui cesse de voir sa grand-mère n'est pas pour autant «indigne». Il faut une réelle gravité, une intention malveillante.

Dans le cas Gatti, une fois exclue l'hypothèse du meurtre, il reste jusqu'ici une femme parfois détestable, qui semble avoir balancé un nombre impressionnant de vacheries hors catégorie.

Mais Gatti, noceur impénitent, n'était pas non plus facile de maniement.

La loi n'impose pas un test de bon goût et de moralité. Il faut pour être indigne d'hériter une faute grave, généralement un délit criminel.

On n'y est pas encore. D'où le timing de ce spectacle médiatique d'experts privés, pas innocent du tout...