Gilles Vaillancourt est le Muhammad Ali de la politique municipale. On le frappe, on le frappe, on le frappe... Il reste debout.

Les adversaires s'épuisent.

L'an dernier, Radio-Canada a révélé qu'il a offert des enveloppes d'argent à deux candidats aux élections provinciales. Une tentative en 1993 avec le péquiste Serge Ménard, une autre en 2002, avec le libéral Vincent Auclair.

«Ils inventent des choses!» a-t-il répliqué, niant n'avoir jamais rien offert d'autre que des dépliants et des voeux de bonne chance.

Il menaçait de les poursuivre.

Une enquête de la Sûreté du Québec a été ouverte pour «tentative de corruption». On n'en connaît pas l'état.

Jean Charest l'a indirectement traité de menteur en disant qu'il croyait M. Auclair. Pauline Marois a réclamé son départ. Les députés libéraux de Laval aussi.

Amir Khadir n'allait pas être en reste: «Je crois que le maire de Laval est un maire aux pratiques douteuses», a-t-il dit, ajoutant en se frottant les mains: «J'espère qu'il fera l'erreur de nous poursuivre tous.»

Des maires ne veulent plus siéger sur les organismes municipaux tant qu'il y sera.

Que reste-t-il à dire qui n'a pas été dit de mal sur Gilles Vaillancourt?

Pas grand-chose.

Et pourtant il est là, inamovible.

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Les hurlements ont cessé. Personne ne s'intéresse plus guère à lui. Ça devient lassant, avouez...

Comme chaque fois qu'un scandale de copinage ou de favoritisme éhonté frappe Laval, il fait le dos rond, le temps que le vent de l'oubli balaie tout ça...

Vendredi, en fin de journée, on apprend que le maire de Laval ne poursuivra pas MM. Auclair et Ménard.

Ce serait un combat long et coûteux, dit-il dans un communiqué.

Et d'ajouter, pompeux comme un restaurant à colonnes du boulevard Saint-Martin:

«Il n'y aura donc pas de procès, mais l'histoire les jugera.»

Ooooh! L'Histoire, mesdames et messieurs!

Oui, ce sera sûrement l'objet d'un chapitre dans l'Histoire de Laval en cinq tomes qu'un jour un brave historien écrira...

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Je ne sais pas quelle avocate le maire a consultée. Elle m'étonne. D'abord, pour des raisons de procédure, les procès pour diffamation procèdent plus rapidement qu'à peu près tous les autres. Un an, deux ans tout au plus. L'affaire n'aurait donc pas été longue du tout.

Ensuite, elle est particulièrement simple et circonscrite: deux événements de quelques minutes.

Trois témoins directs. Vrai ou faux? Pas besoin d'expert en graphologie, d'actuaire ou de psychiatres.

Y a-t-il un enregistrement? Ah non, c'est vrai, dans les années 90, il faisait balayer chaque semaine l'hôtel de ville de Laval, pour voir si l'on y cachait des micros.

Peut-être quelqu'un a-t-il dit au maire à vie de Laval ce que plein de gens pensent, moi le premier: aucun juge ne croirait Gilles Vaillancourt. Ce serait une humiliation publique qui nécessiterait des explications. Il n'aime pas s'expliquer.

Mieux vaut un hypothétique jugement de l'Histoire qu'un coup de pied au cul de la justice.

Et puis, ces déclarations de MM. Ménard et Auclair n'ont été suivies d'aucune autre révélation vraiment dommageable.

Seulement le train-train des contrats donnés aux mêmes professionnels, aux mêmes firmes de construction, la ronde des terrains humides remblayés illégalement, les terrains qui vont et qui viennent, l'argent public qui sert à payer les dépenses partisanes du parti au pouvoir par millions...

Bref, tout ce fumier pelleté à la petite semaine par les médias, sur lequel pousse la vie politique lavalloise.

Trop de politiciens passés et présents ont trop peur de Gilles Vaillancourt pour qu'il soit menacé.

Et puis, franchement, est-ce que quelqu'un en a quoi que ce soit à cirer?

Il restera quelques loustics pour aller camper devant la mairie, comme une candidate qui s'opposait à Gilles Vaillancourt, et qui demandait simplement un débat public, en 1997.

Ou cet autre candidat qui a fait une grève de la faim d'un mois, en 2005, pour «chasser Gilles Vaillancourt».

On ne peut pas appeler cela Occupy Laval, mettons...