Ça fait drôle à dire après tout ce qu'on a écrit, mais à bien y regarder... le Québec est un des endroits les moins corrompus du monde.

Je ne suis pas en train de renier mes 127 chroniques sur la nécessité d'une commission d'enquête. Le secteur de la construction publique au Québec est largement affecté par la collusion et la corruption.

Mais à force de parler de ce secteur jour après jour, on finit par avoir l'impression que la corruption est érigée en système dans tous les secteurs d'activité.

Ce n'est évidemment pas le cas.

Mercredi, la publication d'un autre rapport de Transparency International a permis de mettre les choses un peu en perspective.

Ce rapport portait sur la perception d'intégrité des entreprises des 28 principales économies de la planète.

On a sondé une centaine de dirigeants d'entreprise dans ces pays pour leur demander si les entreprises d'un pays donné étaient plus ou moins susceptibles de se livrer à de la corruption à l'étranger.

Résultat : les sociétés canadiennes, avec une note de « propreté » de 8,5 sur 10, sont perçues à l'étranger comme les moins corrompues. Le Canada s'est classé 6e sur 28, pas loin du sommet (Pays-Bas et Suisse : 8,8) ; devant le Royaume-Uni (8,3), les États-Unis (8,1) et la France (8).

On ne distingue pas le Québec dans ce classement. Il s'agit également de perceptions. Mais ce sont des perceptions « informées » de gens qui connaissent leur milieu économique et qui ont donc une expérience pertinente pour faire ce genre d'évaluation.

Tout au bas du classement arrivent les sociétés chinoises et russes.

Ce n'est pas particulièrement surprenant : c'est conforme à l'index de perception de la corruption que publie l'organisme chaque année. Le Canada (6e) se classe au haut du palmarès avec les pays scandinaves, bien devant les États-Unis (22e), la France (25e), l'Italie (67e) ou, par exemple, le Mexique (98e).

Quand on demande aux citoyens s'ils ont payé ou se sont fait demander un pot-de-vin par un fonctionnaire, un policier, un représentant de l'État dans les 12 derniers mois, la réponse est non à plus de 95 %. Ce n'est pas le cas partout dans le monde, y compris dans le monde occidental.

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Autre élément du rapport publié hier : le secteur où l'on signale le plus de corruption est celui de la construction et des travaux publics.

Pourquoi la construction ? Parce que les dépenses y sont massives ; les points de comparaison souvent difficiles parce que les projets sont uniques ; le flot de l'argent est difficile à suivre parce qu'une toile de sous-traitants sont impliqués.

Je ne dis pas ça pour banaliser nos scandales.

Simplement pour qu'on n'ait pas l'impression, comme c'est à la mode de le dire ces temps-ci, qu'on détient une sorte de championnat mondial dans le domaine.

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Il y a deux semaines, six fonctionnaires municipaux ont été arrêtés à New York. Ils sont accusés d'avoir reçu des pots-de-vin d'entreprises qui voulaient obtenir des contrats pour des logements.

Une grande entreprise de construction new-yorkaise a été accusée au printemps d'avoir mis sur pied un système de surfacturation pour empocher des surplus de 10 à 15 %. La même société avait été condamnée dans les années 90 pour une affaire de collusion.

Des dirigeants syndicaux sont arrêtés périodiquement pour corruption.

En 1991, d'ailleurs, un rapport avait été rédigé à New York sur la corruption dans la construction, dans lequel on concluait que, depuis 100 ans, le crime y était business as usual.

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Le Royaume-Uni a connu un scandale concernant 103 sociétés impliquées dans de la collusion pour fixer les prix dans les appels d'offres de construction publique. Des amendes de quelque 250 millions de dollars ont été imposées.

Le Bureau de la concurrence là-bas a mesuré l'impact de ces condamnations, en 2010.

Il estime que les fortes amendes, la crainte de se voir exclu des contrats et les peines de prison pour les dirigeants ont contribué à faire diminuer radicalement la collusion. Cela avec diverses mesures d'éducation et de contrôle des appels d'offres.

Mais la répression a des vertus pédagogiques formidables.

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La dénonciation publique et médiatique quotidienne de la corruption nous renvoie une image déprimante.

Mais c'est elle qui force l'État à réagir et les acteurs à être plus prudents.

Et cette dénonciation, jour après jour, de scandales en enfilade, il faut la voir moins comme l'indice d'une corruption nationale fulgurante et plus comme l'expression ferme d'un refus de la corruption.