Et à la fin, il y eut une vraie commission... Ce fut un chemin particulièrement cahoteux, mais on y est.

La Loi sur les commissions d'enquête s'appliquera. Les commissaires choisis sont hautement respectés et connus pour leur indépendance d'esprit. Ils auront les pleins pouvoirs.

Que demander de plus?

Ce qui était parti tout de travers est donc parfaitement redressé et il faudrait être franchement de mauvaise foi pour ne pas le reconnaître.

Les critiques ne pouvaient que constater le virage à 180 degrés effectué piteusement par le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, et l'en blâmer. Mais sur le fond, ces critiques (du Barreau, des magistrats, des médias, des politiciens, etc.) ont toutes été écoutées. Même Amir Khadir a dit hier qu'on a affaire, avec ces trois commissaires, à un «premier trio»...

Il n'était pas du tout évident au départ que la juge Charbonneau pourrait réunir des commissaires de ce calibre.

Qui aurait voulu s'engager dans un exercice presque unanimement discrédité?

Sans l'engagement de Jean Charest à récrire le décret pour donner les pleins pouvoirs «normaux» de contrainte et d'immunité aux témoins, les choses auraient pu se corser...

Le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, homme de chiffres et de rigueur budgétaire, sera un atout intéressant dans cet environnement très juridique. Il sera en effet abondamment question d'appels d'offres et de calculs truqués dans cette enquête. Un homme capable de lire entre les lignes des états financiers complexes ne sera pas superflu.

Roderick Macdonald, professeur de droit bien connu, ex-doyen de McGill, élu président de la Société royale du Canada (prestigieuse association scientifique), est un juriste connu pour ses préoccupations sociales.

Il a signé un texte dans Le Devoir, le mois dernier, où il allait à contre-courant de l'opinion générale en faveur d'une commission d'enquête. Mais c'est davantage une mise en garde contre les risques de dérive et les illusions de ces exercices qu'une opposition radicale à l'idée de commission.

Ce sera l'intellectuel du trio, celui qui voudra éviter que la Commission se transforme en spectacle (et qui aura sûrement beaucoup d'intérêt pour un modèle suédois ou néo-zélandais de lutte contre la collusion).

Il ne sera donc pas mauvais d'avoir comme présidente une femme d'action, pragmatique, qui a vu neiger, comme la juge France Charbonneau.

Elle connaît le milieu criminel comme celui des enquêtes policières. Elle a une longue expérience de la cour, de la façon d'interroger des témoins, coopératifs comme récalcitrants, de l'administration de la preuve et de l'importance de protéger certaines enquêtes, et c'est une femme qui a montré souvent sa détermination... et sa capacité de résister au stress (80 procès devant jury comme procureure, ça constitue un bon test!).

Bref, trois commissaires aux profils très différents mais qui, sur papier du moins, se complètent à merveille.

On peut dire que la juge Charbonneau a sauvé sa propre commission.

Il ne faut pas s'attendre maintenant à voir les projecteurs s'allumer avant plusieurs mois. La préparation, phase cruciale, s'annonce longue.

Mais quand les audiences commenceront, on saura que l'exercice est sérieux.