Ce n'est pas un musulman ou un bouddhiste qui demandé qu'on bannisse les sapins des édifices fédéraux au Québec.

C'est un haut fonctionnaire canadien-français catholique qui l'a décrété.

Soutenu par un président de syndicat canadien-français catholique - je reprends les catégories de Bouchard-Taylor.

Avez-vous remarqué? Les accommodements culturels les plus stupides n'ont presque jamais été réclamés par des gens des minorités.

C'est généralement le fait d'un quelconque «décideur» qui a suivi des cours de rattrapage en multiculturalisme et en ouverture sur le monde.

Un boss de quelque division d'un service gouvernemental qui, un lundi de novembre, a la très mauvaise idée d'essayer d'entrer dans la tête d'un musulman, d'un juif, d'un hindou...

Il allume sa lampe et jette un coup d'oeil dans le crâne imaginaire d'un immigrant... Oh la la, c'est tellement étrange et étranger! Quoi faire? Attention, surtout, ne les effrayons pas...

Et s'imaginant ce qui pourrait peut-être éventuellement froisser quelqu'un quelque part, il écrit une directive toute simple: «Aucune décoration dans l'aire d'accueil et dans les espaces de travail accessibles à la clientèle.»

C'est bien connu, on montre une boule de Noël à un tamoul, il fait une syncope.

Et qui va être obligé d'aller se défendre devant les médias ou un comité ministériel? C'est le boss du service qui a laissé installer les boules en question.

Pas de boules. Pas de syncope de tamoul. Tout roule.

Il y a manifestement des gens à qui l'on devrait interdire les cours de tolérance. Ils ne les tolèrent pas.

Ils sortent de là pétris de bons sentiments et se mettent à écrire des directives respectueuses de la diversité culturelle.

Ces gens-là ont-ils déjà parlé à un musulman une fois dans leur vie?

Pensez-vous qu'ils s'offusquent de voir une couronne de Noël dans le hall du complexe Guy-Favreau, à Montréal?

«Noël est une fête chrétienne, mais ça ne me choque pas du tout qu'elle soit fêtée, au contraire, il faut fêter!», a dit une musulmane avec un hijab, jeudi, au collègue André Noël.

Il devrait y avoir d'urgence une directive interdisant aux hauts fonctionnaires de pénétrer dans la tête d'un immigrant, même imaginaire.

Quoi? Il se trouve des fanatiques religieux parmi les minorités qui pourraient s'en offusquer?

Si le critère retenu pour les directives dans la fonction publique est la possible susceptibilité de fondamentalistes, ça va mal, mesdames et messieurs...

En vérité, bien entendu, la grande motivation des directeurs de service un peu partout dans le monde n'est pas tant de manifester leur ouverture d'esprit.

C'est de n'avoir aucune plainte.

N'oublions jamais l'importance de la peur comme moteur décisionnel dans la gestion bureaucratique.

Un philosophe a déjà bien démontré, il n'y a pas si longtemps, que l'ouverture totale sur l'autre est un habile déguisement pour la fermeture d'esprit.

Comment? Sous prétexte de ne blesser aucune minorité religieuse, on interdit toute décoration à Noël. Le revers de cette directive, c'est qu'on pourra dire au Chinois ou au juif qui voudra fêter le Nouvel An par un quelconque symbole: ah non, mon vieux, pas de ça ici!

Il est presque comique, enfin, de voir que Noël n'a jamais été aussi peu religieux qu'il l'est maintenant au Québec... Et que c'est ici qu'on se sert de la sensibilité religieuse pour en interdire la manifestation.

Faux prétextes de peureux.