La mauvaise utilisation de fonds parlementaires par le Bloc, c'est sérieux. Mais Gilles Duceppe exagère quand il dit que son intégrité personnelle est mise en cause et qu'il ne peut plus faire campagne pour diriger le PQ.

La vérité, c'est qu'après une semaine d'intrigues et de manoeuvres, il n'y avait pour le soutenir publiquement que Marc Laviolette et Pierre Dubuc, délicieux animateurs des meilleures péquisteries.

Le duo est issu des restes de la gauche ultra du PQ - celle qui n'est pas passée chez Québec solidaire. D'éternels contestataires et fouteurs de merde.

Ils ont le mérite de la franchise. Ils ont servi de chair à canon pour quelques peureux qui n'osaient pas se salir. Et à la fin... Il n'y avait plus qu'eux.

Le plan prévoyait une lettre ouverte de Bernard Landry, pour mardi, afin d'ébranler pour de bon Mme Marois. Bien hâte de lire ça... Bof, ça pourra toujours servir pour le prochain chef. M. Landry est toujours déçu de ses successeurs. Se pardonnera-t-il jamais sa propre démission?

C'est simplement un putsch très, très raté. Il l'était vendredi, avant la nouvelle parue dans La Presse.

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Le Bloc québécois a été pendant ses belles années un champion de l'intégrité budgétaire et politique.

De l'affaire des Ressources humaines au scandale des commandites au Sommet du G8, le Bloc québécois a joué un rôle crucial à la Chambre des communes.

Les abus, le mélange des genres, le favoritisme: il n'a rien laissé passer et il a eu raison. Ce fut très souvent la meilleure opposition à Ottawa, la plus compétente et la plus intelligemment combattive.

Il ne faut pas s'étonner que les autres partis se délectent aujourd'hui de cette nouvelle: le cabinet de Gilles Duceppe a payé le directeur général du Bloc québécois à même l'argent public qui doit servir aux activités parlementaires.

Les autres partis paient leur personnel avec l'argent du parti. Comme le PLQ et comme PQ au Québec, a dit hier Pauline Marois. «Je connais Gilles Duceppe comme un homme intègre et de bonne foi», a-t-elle dit, ajoutant qu'elle présumait de son innocence. Cela était dit avec un sourire à moitié perfide, à moitié compatissant.

La défense consiste jusqu'à maintenant à dire que «tout le monde le savait» et qu'on leur avait donné la permission de le faire.

Qui est donc cet «on» et a-t-il dit cela par écrit?

C'est ce que Gilles Duceppe s'emploiera à trouver ces prochains jours. Mais en principe, il n'y a pas de doute qu'un directeur de parti, dont les fonctions tournent autour du financement du parti et de ses diverses activités, n'a pas à être payé par les fonds parlementaires.

Irrecevable également la défense qui consiste à dire: les autres font des choses semblables.

Quand ça se produit, le Bloc est toujours le premier à monter au créneau. Avec raison d'ailleurs.

Pas plus tard qu'au mois de mars dernier, le Bloc québécois réclamait la démission du ministre Jason Kenney parce qu'un adjoint de son ministère avait utilisé du papier entête du Parlement pour faire des demandes de dons partisans. L'adjoint en question avait été forcé de démissionner.

Difficile ensuite de dire qu'on peut envoyer l'argent prévu pour les activités parlementaires à la permanence du Bloc, afin de payer un type qui organise des collectes de fonds...

Juridiquement, l'enquête est ouverte. Au plan éthique, c'est une faute.

Mais Gilles Duceppe n'a rien empoché là-dedans et il est vrai que les activités parlementaires et partisanes ne sont pas toujours parfaitement délimitées. C'est pourquoi je dis qu'il exagère en disant qu'il est forcé à une sorte de retraite politique parce que son intégrité est mise en cause. C'est un embarras, ça nécessite des explications, peut-être même un remboursement. Mais on ne fera pas une commission d'enquête avec ça.

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Comme les choses changent vite... Lundi dernier, une semaine après le départ de François Rebello, la chasse était ouverte. Mardi dernier, Pauline Marois était caricaturée partout comme capitaine du Costa Concordia. Son bateau prend l'eau, sans doute. Mais elle ne fuira pas.

Et puis, les amis d'hier sont souvent oublieux. Je me demande comment s'est senti M. Duceppe, quand son successeur, Daniel Paillé, s'est contenté d'envoyer un communiqué pour dire qu'il ne parlerait pas de cette affaire, que ça ne le regarde pas: nouvelle administration. Belle reconnaissance pour Gilles Duceppe, qui a donné 20 ans de sa vie au Bloc...