Les critiques de notre envoyé spécial.

Where is Anne Frank, d'Ari Folman

Plus essentiel que jamais

En 2008, Ari Folman avait subjugué les festivaliers grâce à Waltz with Bashir, un long métrage d’animation à travers lequel il racontait le traumatisme que lui a valu son service militaire dans l’armée israélienne. Huit ans après The Congress, le cinéaste propose un film qui deviendra sans nul doute essentiel dans la transmission de l’histoire d’Anne Frank auprès des nouvelles générations, et contribuera à ce que les traces de l’Holocauste ne soient jamais effacées dans l’imaginaire collectif mondial. Where is Anne Frank est d’ailleurs le fruit de l’initiative de la Fondation Anne-Frank, gardienne du journal de l’enfant, qu’Ari Folman a accepté d’adapter en animation sous l’insistance de sa mère, elle-même survivante d’Auschwitz. Ce formidable long métrage emprunte ainsi la forme d’une fable animée, destinée prioritairement au jeune public. Se déroulant « un an plus tard que maintenant », l’intrigue est construite autour d’un phénomène faisant en sorte que Kitty, l’amie imaginaire à qui les lettres du journal de l’adolescente étaient destinées, se retrouve dans le monde contemporain, sans connaître le tragique destin de son auteure. Ponctué de nombreux retours en arrière, le récit percute les deux époques, avec poésie et imagination. La grande réussite du film est d’avoir su faire écho à l’horreur de la Shoah d’une façon qui pourra intéresser – et éduquer – le jeune public, sans devoir trop arrondir les angles. À une époque où le négationnisme et l’antisémitisme semblent resurgir un peu partout dans le monde, Where is Anne Frank – un titre qui ne comporte aucun point d’interrogation – est plus pertinent que jamais. Souhaitons qu’il puisse être vu au Québec.

Compartment no. 6, de Juho Kuosmanen

La première vraie belle surprise

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DE CANNES

Seidi Haarla dans Compartment no. 6, un film de Juho Kuoasmanen

Lauréat du prix Un certain regard en 2016 grâce à Olli Mäki, Juho Kuosmanen a gradué cette année dans la « grande ligue ». En lice pour la Palme d’or, la nouvelle offrande du cinéaste finlandais, intitulée Compartment no. 6, est la première vraie belle surprise de cette compétition. Campé dans les années 1980 ou 1990 (si l’on se fie aux objets que les personnages utilisent), ce road movie arctique relate l’aventure d’une Finlandaise étudiant à Moscou. Intéressée par l’archéologie, Laura (Seidi Haarla) décide de se rendre en train à Mourmansk, au nord du cercle arctique, afin d’aller visiter un site de pétroglyphes, un voyage qu’elle devait effectuer au départ avec sa colocataire et amante, mais cette dernière étant retenue par son travail, la jeune femme a choisi d’honorer quand même la réservation. Se déroulant en bonne partie à l’intérieur du train, le récit se concentre surtout sur la rencontre, disons exigeante, entre la jeune femme et celui avec qui elle partagera sa cabine pendant tout ce très long trajet. Mineur devant se rendre là-bas pour exercer son métier, Lloja (Yuriy Borisov) affiche dès le départ sa personnalité abrasive, à laquelle se juxtapose un sérieux problème de consommation. Kuosmanen suit l’évolution du lien entre ces deux êtres d’une façon subtile et originale, sans ne jamais emprunter la piste attendue. Le dernier acte du film, qui se déroule à destination, n’a rien de prévisible non plus. Porté par les performances des deux acteurs, vraiment remarquables, tout autant que par de belles idées de mise en scène, Compartment no. 6 (Hitty Nro 6 est le titre en version originale) pourrait bien figurer au palmarès d’une façon ou d’une autre. On le souhaite.