La trilogie Trois couleurs : Bleu, Blanc, Rouge fut l’un des grands évènements cinématographiques des années 1990. Des versions restaurées des trois longs métrages reprennent maintenant l’affiche en salle. Voici cinq bonnes raisons de les voir (ou de les revoir).

Parce qu’il s’agit de grands films

En 1993, Bleu a obtenu le Lion d’or de la Mostra de Venise. Cinq mois plus tard, Blanc a décroché le prix de la mise en scène à la Berlinale. Puis, en mai 1994, Rouge, mystérieusement écarté du palmarès, fut néanmoins l’un des grands favoris des festivaliers pour remporter la Palme d’or à Cannes. À la faveur de versions restaurées, les trois derniers longs métrages de Krzysztof Kieślowski reprennent le chemin des salles de cinéma, par l’entremise du distributeur américain Janus Films (d’où la présence de sous-titres anglais). Les cinéphiles montréalais ont ainsi l’occasion de revoir – ou de découvrir – sur grand écran cette trilogie inspirée de la devise de la République française : Liberté, Égalité, Fraternité. Ces trois œuvres remarquables portent la signature et le regard singulier du cinéaste polonais, à qui l’on doit notamment la série Le décalogue (de laquelle faisait partie son fameux Tu ne tueras point). « Ce sont trois histoires séparées, bien que liées et évoluant ensemble », avait expliqué le réalisateur au moment de la sortie. « Je laisse la liberté au spectateur de les découvrir dans l’ordre, de n’en voir qu’un seul, ou même aucun ! »

Parce qu’il y a Bleu

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Juliette Binoche est la tête d’affiche de Bleu, premier volet de la trilogie Trois couleurs, de Krzysztof Kieślowski.

L’anecdote est devenue célèbre : Juliette Binoche a refusé la proposition de Steven Spielberg, qui souhaitait lui offrir un rôle dans Jurassic Park, pour plutôt aller tourner Bleu. Elle y interprète Julie, une jeune femme dont la vie bascule en un instant lorsque son mari, éminent compositeur, et sa fillette de 5 ans meurent dans un accident de voiture alors qu’elle-même s’en tire avec des blessures mineures. L’actrice, qui a obtenu un prix d’interprétation à la Mostra de Venise grâce à ce rôle (et aussi le César de la meilleure actrice), se glisse ainsi dans la peau d’une femme cherchant à vivre son deuil à sa façon, en se dépouillant de tout ce qu’elle peut. « Quand j’ai commencé à travailler sur la liberté, ce qui m’a fasciné, c’est ce qui se trouve à l’intérieur de l’âme, quelque chose de secret, de mystérieux, une liberté difficile à cerner », avait déclaré Krzysztof Kieślowski lors d’une interview accordée à La Presse. Bleu prend l’affiche ce vendredi 26 août.

Parce qu’il y a Blanc

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Zbigniew Zamachowski est la vedette de Blanc, deuxième volet de la trilogie Trois couleurs, de Krzysztof Kieślowski.

Bien que l’histoire de Blanc commence en France, la majeure partie du film se déroule dans la Pologne des années post-communistes. Après un divorce dont il comprend mal les raisons, demandé par sa femme française (Julie Delpy), Karol (Zbigniew Zamachowski), un immigrant polonais, se retrouve dépouillé de tout, sans le sou, sans passeport. Un compatriote inconnu, rencontré dans le métro, lui proposera de rentrer au pays pour remplir un mandat précis. Une fois de retour à Varsovie, Karol se lancera dans différentes entreprises afin d’orchestrer une espèce de vengeance. Krzysztof Kieślowski retrouve ici ses racines et propose une fable grinçante. « Par sa forme, son rythme, Blanc s’inscrit dans la lignée des films brefs du Décalogue, qui étaient aussi très incarnés dans le présent, mais néanmoins des paraboles ou contes modernes, où il ne faut pas chercher la vraisemblance à tout prix », avait à l’époque commenté Julie Delpy pour La Presse. Blanc prend l’affiche le 2 septembre.

Parce qu’il y a Rouge

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Jean-Louis Trintignant dans Rouge, dernier volet de la trilogie Trois couleurs, de Krzysztof Kieślowski

Offrir en l’espace de neuf mois trois longs métrages d’aussi grande qualité relève pratiquement de l’exploit. Rouge clôt magnifiquement la trilogie en évoquant une rencontre inattendue, à Genève, entre une jeune femme travaillant comme mannequin pour payer ses études (Irène Jacob, l’héroïne de La double vie de Véronique, l’un des films précédents de Krzysztof Kieślowski) et un juge à la retraite (Jean-Louis Trintignant), qui passe son temps à écouter et espionner ses voisins en enregistrant leurs conversations. Même si les trois longs métrages sont difficilement comparables (le cinéaste a tenu à travailler avec un directeur photo distinct pour chacun d’entre eux), bon nombre de cinéphiles affichent une préférence pour ce troisième volet. Au-delà du style, de la structure du récit et des acteurs, Rouge vient boucler la trilogie de très belle façon, plus particulièrement pour les spectateurs ayant vu Bleu et Blanc auparavant. Rouge prend l’affiche le 9 septembre.

Parce qu’il s’agit du testament cinématographique de Kieślowski

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Le cinéaste polonais Krzysztof Kieślowski

Dès la sortie de Bleu à la Mostra de Venise en 1993, Krzysztof Kieślowski a annoncé sa retraite du monde du cinéma, fatigué du stress excessif qu’entraîne l’exercice du métier. Lors d’une visite à Montréal, l’année suivante, le cinéaste polonais avait confié à notre regretté collègue Luc Perreault sa volonté de « retourner à la vie ». « Je n’ai plus envie de faire des films. J’en ai fait beaucoup. Quand le moment est propice, il faut savoir s’arrêter et je pense que le moment est venu pour moi de m’arrêter. Un jour, il aurait pu arriver qu’un de mes films déçoive. Et moi, je ne voudrais pas vivre un tel moment. » Le maître polonais avait déjà une longue carrière derrière lui dans son pays natal – où il a notamment tourné plusieurs longs métrages documentaires – avant d’être consacré sur la scène internationale grâce au fameux Décalogue. Sa réinsertion « dans la vie » après sa retraite aura été de trop courte durée. Krzysztof Kieślowski est mort en 1996, à l’âge de 54 ans. La trilogie des Trois couleurs est l’ultime testament d’un cinéaste d’exception.

Trois couleurs : Bleu, Blanc, Rouge reprend l’affiche au Cinéma du Musée à Montréal, avec des sous-titres anglais, à compter du 26 août.