La soirée d’ouverture de la 79e Mostra de Venise a été marquée par l’attribution d’un Lion d’or d’honneur à Catherine Deneuve, pour l’ensemble de sa carrière. Face à la presse internationale, celle qui refuse le statut d’icône s’est présentée telle qu’elle est, fidèle à sa nature. Quant à White Noise, le film d’ouverture, disons que tout est chaos…

Il était fort agréable de la voir en si belle forme. Catherine Deneuve s’est présentée à la conférence de presse précédant l’attribution d’un Lion d’or d’honneur en répondant aux questions des journalistes comme elle l’a toujours fait : sans trop en dire, avec, parfois, un clin d’œil sous-entendu, fin prête à déconstruire toute la mythologie qui l’entoure depuis tant d’années. Ce qui, ironiquement, ne fait que la solidifier.

Particulièrement vénérée des Italiens, avec qui elle entretient depuis longtemps une relation de proximité (elle a d’ailleurs répondu dans la langue de Dante à plusieurs questions), Catherine Deneuve tient à rester dans l’ici et maintenant, toujours très active, animée par une passion peu commune pour le cinéma, tant à titre d’actrice que de spectatrice.

« C’est toujours un grand plaisir d’aller voir un film sur grand écran, dans une salle, avec des gens que je ne connais pas. »

Elle dit ressentir un choc en voyant les images d’une rétrospective résumant sa carrière lorsqu’on lui rend ce genre d’hommage.

« C’est un peu difficile de regarder ce qu’on a fait, comme si chaque chose avait été pensée pour l’avenir. Parce que ça ne se passe jamais comme ça. Il y a beaucoup de chance, de bonnes décisions, parfois de moins bonnes. Après autant d’années, on regarde la liste et on espère avoir fait les meilleurs choix la plupart du temps. Ce n’est pas un refus de regarder le passé, mais je préfère la réalité du présent. »

PHOTO GUGLIELMO MANGIAPANE, REUTERS

Catherine Deneuve reçoit un Lion d'or d’honneur

Mais puisqu’il s’agit d’un prix récompensant l’ensemble d’une carrière, Catherine Deneuve s’est fait demander qui sont les cinéastes qui la définissent le mieux. L’actrice en a distingué trois : Jacques Demy (Les parapluies de Cherbourg, Les demoiselles de Rochefort, Peau d’âne), François Truffaut (La sirène du Mississippi, Le dernier métro) et André Téchiné, avec qui elle travaille régulièrement (Hôtel des Amériques, Le lieu du crime). Elle estime qu’il est encore beaucoup plus facile pour une actrice de son âge – 78 ans – de trouver de beaux rôles en Europe.

« En Amérique, ça commence à changer sur ce plan, mais c’est encore en Europe que les actrices plus âgées peuvent exercer leur métier. »

Elle refuse le statut d’icône, tout autant que celui de sex-symbol, qu’on lui a attribué à une autre époque.

« Je ne me suis jamais vue comme un sex-symbol parce que je ne suis jamais allée là. Je ne me suis pas fait photographier dans cette optique-là non plus. Mais il est vrai que quand on mûrit, cela devient un défi de proposer autre chose que l’image que peuvent avoir les gens. »

White Noise, moins convaincant…

Noah Baumbach, dont le film précédent, Marriage Story, a aussi été lancé à la Mostra, a relu tout juste avant la pandémie un bouquin qu’il avait lu à l’adolescence. Ce qu’il a retrouvé dans White Noise, le roman que Don DeLillo a publié en 1985 (Bruit de fond en français), était tellement en phase avec notre époque que le cinéaste n’a pu s’empêcher de le porter à l’écran. Le projet était ambitieux, mais le résultat, hélas, est mi-figue, mi-raisin.

Alors qu’il nous avait entraînés dans la dure réalité d’une relation de couple qui s’éteint avec de cruels accents de vérité dans l’excellent Marriage Story, Noah Baumbach emprunte cette fois une tout autre direction en faisant le portrait d’une famille dont la vie sera constamment perturbée par des phénomènes étranges.

Adam Driver, toujours excellent, se glisse cette fois dans la peau de Jack, un universitaire spécialisé dans l’histoire du nazisme et d’Adolf Hitler. Face à lui, ou plutôt en parallèle, un collègue fasciné par la vie d’Elvis Presley. À la maison, la femme de Jack (Greta Gerwig) soigne son mal de vivre avec un médicament que personne ne connaît, et c'est le branle-bas de combat le jour où un accident de camion (il est beaucoup question dans ce film de la fonction des accidents spectaculaires au cinéma) provoque un nuage si toxique dans la région que tout ce patelin de l’Ohio doit être évacué d’urgence. Avec le chaos que cela entraîne.

Il est vrai que les thèmes abordés par Don DeLillo dans son roman, campé dans l’Amérique d’il y a quelques décennies, sont toujours aussi pertinents. Mais après une première partie plus « réaliste », le récit tombe alors quasiment dans le fantastique, sans vraiment y puiser une cohérence. Bien sûr, la qualité des dialogues reste intacte, et les effets d’humour noir sont plutôt réussis, mais White Noise ne nous aura pas vraiment convaincu.

Nous aurons l’occasion d’y revenir, puisque le film de Noah Baumbach, en lice pour le Lion d’or, sera déposé sur la plateforme de Netflix le 30 décembre, précédé d’une sortie en salle un mois plus tôt.