Loin du biofilm traditionnel, Blonde est une allégorie foisonnante de près de trois heures où l’accent est davantage mis sur Norma Jeane Baker que sur Marilyn Monroe. La rumeur favorable entourant la performance d’Ana de Armas se confirme : l’actrice s’y est jetée corps et âme.

La comparaison paraîtra sans doute très grossière aux yeux de ceux pour qui le film de Valérie Lemercier était cauchemardesque, mais il y a un peu d’Aline dans cette Blonde. Non, Ana de Armas ne joue pas Norma Jeane dans son enfance (bébé Norma Jeane dort cependant dans un tiroir !), mais le fait est qu’en s’inspirant d’une biographie fictive qu’a publiée Joyce Carol Oates il y a plusieurs années, Andrew Dominik s’immisce dans les sphères privées de la vedette, par définition non documentées. Il dispose ainsi de l’espace requis pour inventer sa vision des choses, n’étant pas requis d’être fidèle à la réalité.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Ana de Armas incarne Marilyn Monroe dans Blonde, un film réalisé par Andrew Dominik.

Comme Spencer l’an dernier, allégorie sur la princesse Diana, Blonde n’a rien du biofilm traditionnel, encore moins du documentaire. C’est d’ailleurs ce qui en fait l’intérêt. Cela dit, le cinéaste insère dans son récit éclaté, parfois en couleurs, parfois en noir et blanc, les épisodes les plus célèbres de la vie de celle qui, 60 ans après sa mort, reste toujours présente dans l’imaginaire collectif mondial.

Le fantôme de Marilyn

Pour saisir le mieux possible l’esprit de Marilyn Monroe, Andrew Dominik (The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford, Killing Them Softly) est même allé jusqu’à tourner plusieurs des scènes de son long métrage dans les endroits où elle a réellement vécu, y compris la maison où elle a passé son enfance difficile.

C’est un peu comme si on chassait son fantôme, ses poussières sont partout à Los Angeles !

Andrew Dominik, réalisateur de Blonde

PHOTO TIZIANA FABI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le cinéaste Andrew Dominik et Brad Pitt, producteur de Blonde.

L’un des axes principaux du récit est le rapport à la maternité. Le premier acte est consacré à dépeindre la relation violente que sa mère (Julianne Nicholson) a entretenue avec elle, lui imputant les raisons de tous ses malheurs, y compris l’abandon du mari (et père), qui ne voulait pas d’enfant.

En misant sur le contraste entre l’adulation dont Norma Jeane fera l’objet plus tard, quand elle deviendra Marilyn Monroe, et le vide intérieur laissé par cette blessure incicatrisable, Andrew Dominik trace le portrait d’une femme à la fois forte et fragile, confrontée à son propre désir de maternité. La vedette est aussi constamment tiraillée par l’image qu’ont les admirateurs de Marilyn Monroe, qui ne correspond en rien à la vraie nature, beaucoup plus sombre, de Norma Jeane Baker.

Même si l’accent est davantage mis sur Norma Jeane Baker que sur Marilyn Monroe, sur la femme plutôt que la superstar, Ana de Armas n’a pas abordé le rôle comme une dualité, bien que les deux aspects, incarnés par une même personne, soient bien définis.

« J’étais émotionnellement liée sur les deux en tout temps, a confié l’actrice, visiblement émue. Ce n’était pas comme si je devais jouer Norma Jeane une journée et Marilyn le lendemain. Ma priorité était de comprendre sa douleur et ses traumatismes, de faire preuve d’empathie. Je savais que pour ce faire, il me fallait m’abandonner et me rendre à des endroits plus inconfortables, sombres et vulnérables. Je ne souhaitais pas me protéger. »

Un abandon total

Invitée à faire des essais après qu’Andrew Dominik, qui travaille sur ce projet depuis plus de 10 ans, l’a vue dans Knock Knock (Eli Roth), Ana de Armas a eu le sentiment que Marilyn Monroe était très proche d’elle, même si, avant de décrocher le rôle, elle avait une image superficielle de la vedette des Hommes préfèrent les blondes.

Elle était avec nous, je le crois vraiment. Elle a occupé toutes mes pensées, tous mes rêves, elle a été mon unique sujet de conversation. Elle était avec moi et c’était beau.

Ana de Armas, à propos de Marilyn

« Je crois qu’elle en était heureuse. Être aux mêmes endroits qu’elle, filmer dans sa maison donnait la très forte impression que quelque chose flottait dans l’air. Je crois qu’elle approuvait ce que nous étions en train de faire. »

En redonnant à Marilyn sa propre vérité à propos du drame intérieur, tragique, qui aura finalement eu raison d’elle, Ana de Armas s’est jetée corps et âme dans le personnage, avec l’abandon de celle qui, comme Marilyn en son temps, aspire aux plus grandes partitions.

En lice pour le Lion d’or, Blonde prendra l’affiche le 23 septembre au Cinéma Moderne et à la Cinémathèque québécoise. Netflix le déposera sur sa plateforme le 28 septembre.