(Nancy) Après avoir été conservées près de 20 ans par une association en France, des images spectaculaires prises par un couple de volcanologues hors du commun ressurgissent dans un fascinant documentaire nommé aux Oscars et aux Baftas.

Fire of Love, de l’Américaine Sara Dosa, est en lice dans la catégorie documentaire aux Baftas, les récompenses britanniques du cinéma qui seront décernées le 19 février, et aussi aux Oscars (12 mars). Le film a déjà récolté plusieurs prix, notamment celui du montage au festival de Sundance.

Il est consacré à la passion que les chercheurs alsaciens Maurice et Katia Krafft avaient l’un pour l’autre et pour les volcans, un triangle amoureux qui s’est conclu tragiquement en 1991. Comme une quarantaine de personnes, ils avaient été victimes d’une nuée ardente (mélange de gaz, de cendres et de roches) au mont Unzen, au Japon.

Fire of Love est essentiellement constitué d’images prises par les deux scientifiques qui ont sillonné le monde pendant 25 ans, documentant leurs expéditions pour financer d’incessants voyages et nourrir leurs propres documentaires, livres et conférences.  

Ce « fonds Krafft » - 300 000 photos sous forme de diapositives prises par Katia et 800 bobines de film en 16 mm tournés par Maurice – avait été confié en 2003 par Bertrand Krafft, frère du volcanologue, à Image’Est, une association de conservation du patrimoine cinématographique et audiovisuel située à Nancy.

Jusqu’à ce qu’une productrice canadienne décide d’exploiter ce trésor.

« Quand Ina Fichman m’a contacté il y a plus de trois ans, son souhait était que tout puisse être numérisé, chose qui n’avait jamais été faite », raconte à l’AFP Mathieu Rousseau, chef de projet au pôle patrimoine d’Image’Est.

Après un long travail de numérisation et de restauration, Image’Est a pu lui fournir 150 heures de rushs originaux.

« Regard amoureux »

Plan de Katia en combinaison ignifugée devant un volcan en éruption ou de Maurice pagayant sur un lac d’acide : ces images, parfois terrifiantes, laissent entrevoir la vie d’un couple pour qui la curiosité scientifique était plus forte que la peur.

On y décèle aussi « un rapport poétique, sensuel, aux volcans, vraiment un regard amoureux », dit Mathieu Rousseau.

Cette passion avait frappé Maurice tout jeune lorsque ses parents l’avaient emmené voir le Stromboli, en Italie, explique à l’AFP son frère Bertrand, 82 ans, dans sa maison proche de Nancy.

« Nous étions quatre, nous avons décidé de monter la nuit, le sol crissait sous nos pieds avec la lave qui refroidissait. De temps en temps ça tremblait… On est restés là, sans dire un mot, jusqu’au lendemain. On a vu le lever de soleil sur le Stromboli, avec ces bombes volcaniques… Pour Maurice ça a fait tilt », raconte-t-il.

Leurs parents, des médecins très voyageurs, développent la fibre scientifique des deux garçons.

« Gamins, on jouait à faire des volcans dans le jardin. On faisait un tas de sable, on mettait un feu de Bengale », se remémore Bertrand Krafft.

L’aîné se consacrera à la biologie, son cadet à la volcanologie. Il rencontrera l’âme sœur sur les bancs de l’Université de Strasbourg.

Pour Bertrand Krafft, « ils étaient complémentaires. Maurice était un fonceur, un bulldozer. Katia était plus raisonnable ».

Désireux d’accroître leur savoir, les deux volcanologues avaient à cœur de vulgariser leurs connaissances et de sensibiliser les autorités aux risques, pour mettre en place des plans de prévention. Ils ont conçu la Maison du volcan sur l’île de la Réunion, dans l’océan Indien, et sont à l’origine du parc Vulcania, en Auvergne.

Pour Mathieu Rousseau, voir « Fire of love » a été « extrêmement émouvant », d’autant que le fonds Krafft a désormais quitté Image’Est, après avoir été racheté par le producteur Julien Dumont (Titan films) qui a pour projet de créer un musée des sciences de la terre à Lyon.

Bertrand Krafft a lui ressenti un « soulagement », estimant qu’il représente un hommage nécessaire à un couple qui était « mieux connu aux États-Unis qu’en France » : « ils ont enfin ce qu’ils méritaient ».