Chaque jour, La Presse présente des films vus sur la Croisette.

Les feuilles mortes, d’Aki Kaurismäki : un regard drôle et tendre

Mine de rien, il faut remonter jusqu’en 2011 pour trouver la dernière fois où Aki Kaurismäki a été en lice pour la Palme d’or (c’était avec Le Havre). Le vétéran cinéaste finlandais, dont l’œuvre la mieux primée à Cannes reste L’homme sans passé (Grand Prix du jury en 2002), est cette fois de retour fidèle à lui-même, c’est-à-dire avec une comédie mélancolique charmante, laquelle est imprégnée de cet humour bien distinct, propre à ceux dont le rire est la politesse du désespoir. Ponctué par des standards de la chanson, parfois interprétés en finnois (c’est le cas de l’immortelle de Prévert et Kosma qui donne au long métrage son titre français), le récit, campé à Helsinki, se déroule au son des développements de la guerre en Ukraine qu’on entend à la radio, au moment où la ville de Marioupol est bombardée par les troupes russes. Dans cette atmosphère de fin du monde, deux êtres n’ayant jamais connu l’amour se rencontrent et se persuadent qu’ils sont faits l’un pour l’autre, sans trop se poser de questions. Mais l’homme, qui lève le coude plus souvent qu’à son tour, perd le papier sur lequel est inscrit le numéro de téléphone de la dame qui, elle, se rend compte qu’elle ne connaît rien de celui pour qui elle a éprouvé une sorte de coup de foudre. Se retrouveront-ils ? Si oui, y a-t-il espoir d’une vraie relation ? Les admirateurs du cinéma de Kaurismäki retrouveront ici le style inimitable d’un cinéaste qui sait poser un regard drôle et tendre sur les invisibles de la société. Il fait bon de le retrouver.

Club Zero, de Jessica Hausner : une dénonciation de la foi aveugle

PHOTO FOURNIE PAR BAC FILMS

Mia Wasikowska est la tête d’affiche de Club Zero, film de Jessica Hausner.

Le long métrage précédent de Jessica Hausner, Little Joe, a valu à son actrice principale, Emily Beecham, le prix d’interprétation féminine. Quatre ans plus tard, la cinéaste autrichienne est de retour avec Club Zero, un thriller orchestré autour de la question des troubles alimentaires. On prévient d’ailleurs d’entrée de jeu le spectateur – c’est un clin d’œil – que les personnes sensibles à cette problématique risquent d’être perturbées par certaines séquences. Dans une ville non identifiée, où se situe un établissement scolaire privé que fréquentent des adolescents issus de familles aisées, arrive une nouvelle institutrice (Mia Wasikowska). La jeune femme, recrutée grâce à des capsules vidéo sur l’internet, est embauchée pour donner aux jeunes un cours de nutrition au concept innovant, lequel consiste à réduire passablement les quantités et, surtout, à prendre conscience de chaque bouchée en mastiquant très lentement. Il appert toutefois que ce « concept » empruntera rapidement toutes les caractéristiques d’une secte, au grand dam des parents qui ne savent plus comment ramener leurs enfants vers une approche plus saine envers la nourriture. D’une vraie préoccupation à propos du lien direct entre notre mode d’alimentation et la survie de la planète, Jessica Hausner pousse l’idée jusqu’à l’extrême et propose une réflexion sur des enjeux sociaux dont on parlera de plus en plus, grâce aux plus jeunes générations. Instaurant un climat anxiogène dès le départ, la réalisatrice maintient le cap tout au long d’un film dénonçant au passage la foi aveugle en une cause. C’est assez percutant.