(Toronto) Lorsque le Festival international du film de Toronto (TIFF) déroulera son tapis rouge, en septembre, il se peut qu’il ne soit pas foulé par de grandes vedettes américaines.

La grève des acteurs hollywoodiens pourrait radicalement changer la donne cette année, disent les festivaliers et les gens de l’industrie, désormais confrontés à la perspective d’un TIFF plus sobre côté « glamour ».

Les artistes représentés par la Guilde des acteurs et actrices ont débrayé vendredi dernier, rejoignant leurs collègues scénaristes déjà sur les piquets de grève.

La grève des acteurs a interrompu évidemment les tournages de la plupart des productions hollywoodiennes, mais aussi les activités de promotion. La Guilde a clairement indiqué que ses membres ne peuvent faire aucune promotion des films dans lesquels ils ont joué, y compris lors de festivals.

Ainsi, Nicolas Cage ne sera pas au Festival international de films Fantasia de Montréal, en fin de semaine, pour recevoir le « Prix de carrière honorifique », en marge de la première mondiale de Sympathy for the Devil.

Les organisateurs du TIFF, qui doit se dérouler du 7 au 17 septembre, n’ont pas précisé ce qu’ils feront si la grève se prolonge jusque-là. Mais ils ont admis que l’impact « ne peut être nié ».

Le facteur « vedettes »

Eric Tisch, directeur de la programmation chez REEL Canada, un organisme à but non lucratif voué à la diffusion de films canadiens dans les écoles, affirme qu’un festival sans vedettes ne peut justifier le coût élevé du billet. Les prix des « billets spéciaux » au TIFF peuvent atteindre 80 $ – et pour certaines grandes premières à guichets fermés, les revendeurs ont exigé des prix exorbitants.

« Le facteur ‟vedettes” est ce qui a toujours amené le TIFF au niveau où il est actuellement, et c’est ce qui le différencie des autres festivals, explique ce cinéphile de 28 ans, qui fréquente le festival chaque année – et qui appuie les grévistes. Sachant qu’il n’y aura pas de scénaristes, de réalisateurs, d’acteurs […], ça va être moins intéressant qu’avant. »

M. Tisch soutient aussi que de nombreux cinéphiles, exclus du festival à cause du prix élevé des billets, espèrent au moins apercevoir leurs vedettes préférées dans les rues de Toronto.

Le cinéphile torontois Ben Whyte prévoit lui aussi toujours fréquenter le TIFF malgré tout, pour encourager la culture, même s’il considère sa présence comme une « épée à double tranchant ».

« On veut aller soutenir les films, car il y a beaucoup de gens dans les coulisses qui travaillent très dur pour le faire vivre, mais on veut aussi soutenir les acteurs », a déclaré ce jeune cinéphile de 20 ans, qui a également payé pour assister virtuellement aux évènements du TIFF pendant la pandémie.

Après l’annulation des évènements « en personne » en raison de la COVID-19 en 2020, le TIFF s’était mis l’année suivante en « mode hybride » – mais avec très peu de vedettes. Et l’an dernier, le TIFF a retrouvé ses tapis rouges d’antan.

Martin Katz, producteur canadien qui collabore souvent avec David Cronenberg, a déclaré qu’un « parapluie de problèmes différents » affectera l’enthousiasme pour le TIFF cette année si la grève se poursuit jusqu’en septembre.

« C’est une tournure des évènements extrêmement malheureuse et même tragique, car du côté du cinéma indépendant, il s’agit de visibilité – trouver un distributeur et un public. »

M. Katz, fondateur et président de Prospero Pictures à Toronto, se demande également comment cette grève affectera les activités promotionnelles du TIFF. « Les grosses soirées de réseautage pendant le TIFF tablent souvent sur la présence de vedettes – c’est ce qui attire les commandites, qui financent ces activités. »