Connue d’abord comme rockeuse et compositrice, Anik Jean fait le saut derrière la caméra et réalise un premier film touchant écrit par la scénariste Maryse Latendresse. Les hommes de ma mère raconte une histoire de deuil enveloppée de beaucoup de tendresse et portée par la talentueuse Léane Labrèche-Dor. Nous les avons rencontrées.

Deux choses, au moins, unissent la réalisatrice Anik Jean et la scénariste Maryse Latendresse, principales architectes du film Les hommes de ma mère, en salle vendredi prochain. Les deux ont rêvé de cinéma pendant des années avant d’oser se lancer (l’une a publié six albums et l’autre, quatre romans auparavant) et chacune à sa manière avait envie de rendre hommage aux hommes de leur vie à travers ce film où Elsie, personnage interprété avec un naturel épatant par Léane Labrèche-Dor, doit entrer en contact avec les cinq maris de sa défunte mère.

Sa mission, qu’elle accepte à contrecœur, alors que le sien est en mille miettes, lui permettra de retracer la vie de sa mère – une femme qu’on devine entière et passionnée, dont la carrière de comédienne n’a jamais décollé – et de reprendre le fil de la sienne. La plupart des cinq maris de sa mère l’ont connue et elle est en froid avec le seul qui est toujours dans les parages, c’est-à-dire son père.

« C’est une histoire d’amour à plusieurs niveaux et c’est ce qui fait avancer Elsie », observe Anik Jean, rencontrée en début de semaine à la veille de la première.

Le bagage chaotique que les parents d’Elsie lui ont laissé, les amours de sa mère et les ruptures, elle se rend compte que ça peut faire du beau, que c’est une richesse.

Maryse Latendresse, scénariste

La scénariste sait de quoi elle parle : enfant du divorce à une époque où on divorçait encore peu au Québec, elle dit avoir « adoré » cette vie-là et apprécié les traces que les amoureux de sa mère ont laissées dans sa propre vie. Son scénario est né d’une simple question : est-il possible que cet héritage-là soit beau ? La part autobiographique s’arrête là, ou presque : Maryse Latendresse n’a pas perdu sa mère et n’a jamais été en froid avec son père, prend-elle la peine de préciser.

Anik Jean s’est reconnue dans la quête d’Elsie, dit-elle. Après la mort inattendue de son père, elle a aussi entrepris de visiter ses amis et l’a redécouvert à travers les yeux de ces gens qui l’aimaient eux aussi. « J’ai aimé la tendresse qu’il y avait dans le scénario », dit-elle également, ajoutant que la fuite en avant d’Elsie, ses doutes et ses dérives l’ont aussi interpellée.

PHOTO LAURENCE GRANDBOIS BERNARD, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Léane Labrèche-Dor porte sur ses épaules le film Les hommes de ma mère.

« Il était aussi important pour moi de rendre hommage aux hommes et c’est l’une des choses que j’ai le plus aimées du scénario de Maryse, affirme la réalisatrice, qui dit en avoir assez du bashing contre les hommes. J’ai toujours été entourée d’hommes, des hommes pas parfaits, mais fins, qui ont été là [pour m’épauler]. Je voulais qu’on voie les défauts de ceux qu’Elsie rencontre, mais qu’on s’attache à eux. »

Cinq tournages en un

Ces hommes qui ont marqué la vie de la maman d’Elsie (Anne, jouée brièvement par Anne-Marie Cadieux) sont interprétés par Colm Feore, Patrick Huard, Marc Messier et Benoît Gouin. L’un des anciens maris d’Anne est mort, lui aussi, mais en le cherchant, Elsie renouera avec Gaby (Jean-Simon Leduc), qui était sorti de sa vie sans explication dix ans plus tôt.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Maryse Latendresse, Léane Labrèche-Dor et Anik Jean

Léane Labrèche-Dor partage des scènes délicates et riches sur le plan émotif avec chacun de ses cinq vis-à-vis. « C’était comme si je tournais cinq films en même temps », souligne la jeune actrice. Son défi, a-t-elle d’abord pensé, serait de trouver une espèce de continuité dans son jeu pour donner une cohérence à son personnage. Puis, elle a réalisé que c’était contre-intuitif.

Dans la vie, on est caméléon. On agit différemment selon les personnes ou les groupes avec qui on se trouve. On se transforme. Alors je me suis laissé porter par les couleurs apportées par chacun de ces gars-là et par leur façon de réagir à la situation devant laquelle Elsie les mettait. C’est rare qu’on ait l’occasion de faire ça.

Léane Labrèche-Dor

On sent tout au long du film que les acteurs ont eu une grande liberté pour apporter leurs couleurs et même adapter leurs partitions en cours de route. Ce que confirme la réalisatrice, qui admet volontiers s’être laissé guider par ses interprètes. L’effort collectif, bien qu’intangible, paraît à l’écran.

Maryse Latendresse est très à l’aise avec la place qu’ont prise la réalisatrice et les acteurs dans son histoire. Le cinéma, dit-elle, est un travail d’équipe. « Ça devient une autre histoire, convient la scénariste, mais peut-être plus porteuse, parce qu’elle a traversé plusieurs cœurs. »

En salle le 4 août