Le long métrage documentaire Rojek, scénarisé et réalisé par la cinéaste montréalaise d’origine kurde Zaynê Akyol, représentera le Canada dans la course aux Oscars, a annoncé Téléfilm Canada jeudi.

Le film documentaire produit par Metafilms, qui s’intéresse à des membres incarcérés du groupe État islamique, sera le film canadien soumis dans la catégorie du Meilleur film international de la 96cérémonie des Oscars, qui se déroulera le 10 mars prochain. Il n’est pas dit toutefois qu’il sera retenu parmi les finalistes. Une courte liste de 15 films retenus sera dévoilée le 21 décembre et les cinq longs métrages finalistes seront annoncés le 23 janvier 2024.

Il reste que la sélection de Rojek relancera assurément la carrière de ce film documentaire sorti en salle brièvement au mois de janvier dernier. Selon les producteurs Audrey-Ann Dupuis-Pierre et Sylvain Corbeil, elle accroîtra la visibilité du film et les aidera à le programmer dans des festivals américains. On peut aussi s’attendre, selon eux, à ce que le film ressorte sur nos écrans.

« Je suis encore sous le choc, a confié Zaynê Akyol dans un entretien sur Zoom avec des médias nationaux. J’ai l’impression que c’est irréel. Mais c’est un réel honneur d’être choisie, surtout par un comité de pairs. Pour un documentaire exigeant, en plus. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

La cinéaste montréalaise d’origine kurde Zaynê Akyol

Dans Rojek, Zaynê Akyol s’est rendue dans le Kurdistan syrien pour s’entretenir avec des prisonniers membres du groupe État islamique afin de comprendre les motivations meurtrières de leur projet de califat. « Je voulais comprendre leur endoctrinement, mais aussi voir comment le Kurdistan essaie de se reconstruire et pourquoi les Kurdes sont délaissés par la communauté internationale », a soutenu la cinéaste.

Zaynê Akyol a parlé d’un « choix courageux » fait par Téléfilm Canada, qui a présidé un comité de sélection réunissant 16 délégués.

C’est un film important, pas parce que c’est moi qui l’ai fait, mais à cause du propos. Ça a pris du courage pour le faire, mais aussi pour le sélectionner.

La cinéaste Zaynê Akyol

« Je peux vous dire qu’il y a dans ce projet énormément de travail et de sacrifices, a ajouté le producteur Sylvain Corbeil, qui a lui aussi salué le “risque” pris par le comité. C’est un film qui a une approche nuancée, et de nos jours, c’est important de mettre de l’avant ce genre de contenu. Ce n’est pas du tout un film manichéen, on n’est pas là pour juger, et malheureusement, avec les médias sociaux, il y a souvent des raccourcis. »

Le désir de comprendre

Zaynê Akyol a rappelé la genèse de Rojek, qui est l’aboutissement d’une longue démarche personnelle entreprise par la cinéaste depuis son arrivée au Québec.

« Quand j’étais enfant, il y a une jeune femme d’origine kurde qui me gardait, elle s’appelait Gulîstan. Mais après l’avoir côtoyée pendant deux ans, elle a disparu sans jamais me faire ses adieux. Ç’a été un grand déchirement pour moi, parce que je la considérais comme une grande sœur, je la trouvais belle, attentionnée, elle m’avait profondément marquée. J’ai appris beaucoup plus tard qu’elle était décédée. Quand j’ai fait mes études en cinéma, j’ai eu l’idée de faire un film sur son parcours, parce qu’elle s’était jointe à la guérilla kurde. »

Cette histoire l’a menée à réaliser le film Gulîstan, terre des roses, un film dédié aux combattantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Elle s’est donc rendue au Kurdistan irakien, mais le hasard a fait que le groupe État islamique a attaqué le territoire kurde durant la même période. À son retour, elle apprend la mort successive d’à peu près toutes les femmes qu’elle a interviewées dans le cadre de son documentaire…

C’est en faisant le deuil de toutes ces femmes de mon peuple, qui étaient devenues des amies, que j’ai décidé de confronter des membres de l’État islamique. Rojek est ma rencontre avec des gens qui étaient responsables de près ou de loin avec la mort de ces personnes-là.

La cinéaste Zaynê Akyol

« Mais ce sont des conversations que j’ai eues avec eux, parce que je voulais comprendre », poursuit-elle.

L’an dernier, c’est un autre documentaire qui avait été soumis aux Oscars par le Canada. Il s’agissait d’un film d’animation réalisé par Jason Loftus, Printemps éternel. Le film faisait le récit du piratage des ondes d’une chaîne de télévision d’État chinoise par des membres de l’association spirituelle interdite Falun Gong en 2002. Il n’avait pas été retenu dans les titres de la courte liste.