(Venise) En présentant à la Mostra de Venise Coup de Chance, son 50e film et le premier en français, Woody Allen accomplit un rêve de jeunesse, « devenir un cinéaste européen », et fait un pied de nez à l’industrie américaine qui l’a rejeté.

Le réalisateur de 87 ans est un maître de la comédie et de la satire sociale, multi-récompensé, qui a vu la quasi-totalité de la profession lui tourner le dos aux États-Unis après des accusations d’agression sexuelle lancées par Dylan Farrow, qu’il a adoptée, enfant, avec son ex-femme Mia Farrow.

Contrairement à Roman Polanski, dont le dernier film a été présenté également à Venise en son absence et qui fuit depuis 40 ans la justice américaine, après une condamnation pour des relations sexuelles illégales avec une mineure, Woody Allen n’est pas inquiété ni poursuivi par les tribunaux. Et aucune enquête pour agression sexuelle le concernant n’a abouti.

Le réalisateur d’Annie Hall et Match Point n’en vit pas moins depuis plusieurs années en marge du 7e art, ne tourne quasiment plus aux États-Unis, et est devenu pour certains l’un des symboles des violences sexuelles. En salles, le succès n’est plus au rendez-vous.

Son arrivée lundi à Venise, pour présenter, hors compétition, Coup de Chance, sonne donc comme une revanche. Il a expliqué en conférence de presse se sentir comme « un véritable cinéaste européen », en faisant ce film, à l’instar de ses modèles, Truffaut, Godard ou Fellini.

Interrogée sur la possibilité de tourner à nouveau dans sa ville, cette figure new-yorkaise a préféré ironiser : « Si des types sortent de l’ombre et disent OK, on va financer votre film […] Si des gens sont assez fous » pour ça, « alors je ferai un film à New York ! ».

Langage du corps

Avec ses airs de comédie française dans laquelle transparaît la patte de Woody Allen, Coup de Chance est une variation teintée de thriller sur l’amour et le hasard, dans les beaux quartiers de Paris. Le film s’inscrit dans la veine de Match Point.

Ce n’est pas le premier Woody Allen à se dérouler à Paris, où il avait déjà tourné par exemple Minuit à Paris, avec une distribution française et anglo-saxonne.

Mais c’est le premier à être tourné entièrement en français avec des acteurs tricolores. Melvil Poupaud et Lou de Laâge incarnent un couple très bourgeois. Elle va retrouver un ami de jeunesse (Niels Schneider), mais les choses vont déraper lorsque sa mère (Valérie Lemercier) va se douter de leur liaison.

Tourner en français n’a pas été difficile, a assuré Woody Allen, expliquant que les acteurs pouvaient s’adresser à lui en anglais. Quant à les diriger, « rien qu’avec le langage du corps et les émotions des acteurs, je peux me rendre compte s’ils sont justes ou non », a-t-il assuré. Le film sort le 27 septembre en France.

Avant le Woody Allen, les festivaliers auront pu découvrir le dernier film de Sofia Coppola, en compétition, consacré à Priscilla Presley, l’unique épouse du « King », que cette dernière coproduit.

La course au Lion d’or, qui se poursuit en l’absence de la plupart des plus grandes vedettes pour cause de grève historique des acteurs et scénaristes à Hollywood, est encore très ouverte.

Parmi les favoris des critiques internationaux de cette 80e Mostra, à mi-parcours, se détache un film fantastique avec l’Américaine Emma Stone, Pauvres Créatures, du grec Yorgos Lanthimos (La Favorite).  

Ont également été remarqués le Ferrari de Michael Mann, avec Adam Driver, ou La Bête de Bertrand Bonello, avec Léa Seydoux.

Côté Français sont encore attendus en compétition Stéphane Brizé (Hors-Saison, avec Guillaume Canet) et hors compétition Quentin Dupieux, auréolé du succès estival de sa comédie Yannick, pour son dernier film absurde, Daaaaaali !.