(Toronto) Le réalisateur indien Tarsem Singh, reconnu pour ses vidéoclips et ses long métrages fantastiques, a dévoilé au festival du film de Toronto son premier film en huit ans, une histoire combinant amour, classe sociale et crime dans les années 1990.

Dear Jassi est le tout premier film du réalisateur de 62 ans dont l’intrigue se déroule dans son pays natal et, lors d’un entretien à l’AFP, ce dernier raconte avoir attendu le bon moment pour le faire.

C’est il y a 20 ans que Tarsem Singh entend parler pour la première fois de cette histoire vraie d’un amour maudit entre une jeune fille née au Canada issue d’une riche famille punjabi, Jassi, et un chauffeur de rickshaw, Mithu.

« J’ai appelé mon frère et je lui ai dit : “Soit on raconte cette histoire maintenant, ou bien on attend deux décennies jusqu’à ce qu’elle soit rétro” », raconte-t-il.

À ce moment-là, Tarsem Singh est déjà connu à Hollywood notamment grâce à son clip pour la chanson à succès de R. E. M. Losing My Religion, sacrée six fois au MTV Video Music Awards en 1991.

Il a ensuite dirigé Jennifer Lopez dans le film d’horreur de science-fiction The Cell et d’autres films, dont The Fall, Blanche-Neige avec Julia Roberts et Self/less, avec Ryan Reynolds.

Mais l’histoire déchirante de Jassi et Mithu est restée sur sa liste de projets, et une rencontre juste avant la pandémie de COVID-19 avec le scénariste Amit Rai, qui, selon lui, était « obsédé » par l’histoire, a débouché sur un scénario.

Il était primordial pour Singh de ne pas recourir à des vedettes pour son film : l’interprète de Jassi, Pavia Sidhu, avait un peu d’expérience en tant qu’actrice, tandis que l’interprète de Mithu, Yugam Sood, est un étudiant qui en est à ses tout premiers débuts devant la caméra.  

« Ils auraient voulu que je fasse appel à quelqu’un de Bollywood. Ils auraient voulu que je tourne le film en hindi », explique Tarsem Singh. « Mais je leur ai répondu : “Ça doit être comme ça.” […] C’est en pendjabi et c’est une petite production. »

« Un choix évident »

Tarsem Singh transforme ce drame tiré de l’actualité en une sorte de conte folklorique : le film commence et se termine par des vers du chanteur Kanwar Grewal. Et le format s’apparente au Roméo et Juliette de Shakespeare.

Après leur première rencontre, les amants sont séparés par des continents pendant des années, jusqu’à ce que Jassi retourne en Inde et épouse secrètement Mithu. Lorsque sa famille découvre cette union, Jassi est battue et contrainte de porter plainte contre son mari.

Elle parvient à retourner en Inde, mais les tendres retrouvailles ne durent pas et se terminent dans le sang.

Pour Singh, l’histoire a un caractère personnel, car les évènements se sont déroulés non loin de l’endroit où il est né, dans la région du Pendjab, dans le nord-ouest de l’Inde. Il a senti qu’il pouvait clairement faire transparaître à l’écran les pressions sociétales, en particulier dans sa représentation de la mère de Jassi.

Avec neuf filles dans une famille recomposée, la mère de Jassi s’est trouvée confrontée à un choix : « L’une d’entre elles se rebelle et les huit autres ne veulent pas se marier, elles sont ruinées. Que doit-elle faire pour qu’elles se marient ? Faire une croix sur Jassi ou l’accepter ? »

« Et elle a choisi de faire une croix sur Jassi […] Je n’appuie pas cette décision, mais je la comprends, ajoute-t-il. Elle souffre et prend la pire des décisions. »

Le choix de Toronto pour la première mondiale de Dear Jassi était « évident » en raison des liens entre le récit et le Canada. Le film sera également projeté en compétition au festival du film de Londres au début d’octobre.

Lorsqu’on lui demande s’il fera d’autres films en Inde, Singh s’enthousiasme.

 « Quand j’ai eu terminé ce film, je me suis dit : “Oh, j’adore cette expérience.” J’ai envie d’en faire plusieurs autres là-bas. Et je vais probablement m’y mettre tout de suite », dit-il, en rêvant « d’un film d’action indien de grande envergure ».