Lancé ce mercredi, le 19e Festival international du film black de Montréal présentera jusqu’au 1er octobre une programmation étoffée qui met en valeur la relève cinématographique noire. Entrevue avec la directrice et fondatrice, Fabienne Colas, et le responsable de la programmation, Jean-François Méan.

Le Festival international du film black de Montréal (FIFBM) est une occasion en or de s’enrichir et de voir des films qui ne seront pas nécessairement projetés ailleurs, souligne sa fondatrice et présidente, Fabienne Colas. Mais ce n’est pas tout ; l’évènement agit aussi comme plateforme pour permettre à la relève noire de rayonner, rencontrer des gens et se reconnaître, précise-t-elle.

« C’est la raison d’être du festival. Il y a 19 ans, quand je suis arrivée ici d’Haïti, il y avait très peu de vitrines pour les gens qui me ressemblaient, raconte Fabienne Colas. C’est là que je me suis dit qu’on avait besoin de créer notre propre maison, notre propre mouvement. »

Et 19 ans plus tard, l’idée a-t-elle porté ses fruits ? « Tout a évolué dans le bon sens, nous répond-elle. Il y a une sensibilité chez les bailleurs de fonds, des programmes ont été mis en place et les jurys sont plus diversifiés. Mais est-ce qu’on est rendus ? Pas du tout. »

On a encore beaucoup de chemin à parcourir en termes de diversité à l’écran, mais aussi en ce qui concerne les personnes derrière la caméra. C’est aussi pour ça qu’on est là.

Fabienne Colas, présidente du FIFBM

Le FIFBM et la Fondation Fabienne Colas sont instigateurs du projet Être Noir.e au Canada, programme de formation et de mentorat pour les jeunes réalisateurs noirs. Les cinéastes participants – originaires de six villes canadiennes – présenteront leurs créations jeudi soir, au cinéma du Parc, dans le cadre du festival.

Le documentaire à l’honneur

« C’est très intimidant d’essayer de faire du cinéma dans un milieu où tu ne te reconnais pas du tout », souligne Jean-François Méan, qui agit comme responsable de la programmation du FIFBM pour la première fois cette année. « Le festival peut devenir un point de contact pour la communauté. Pour retrouver sa culture, ses histoires et pour tisser des liens. »

Celui-ci précise que le documentaire est à l’honneur cette année, car les soumissions étaient les plus nombreuses dans cette catégorie. Selon l’équipe, c’est le reflet d’une volonté accrue de la part des artistes de « témoigner de la culture, de l’histoire et des réalités des Noirs », souligne Jean-François Méan.

C’est quelque chose dans quoi tous les Québécois et les Québécoises devraient se reconnaître. Il y a eu un essor du documentaire ici dans les années 1960, quand les Québécois ont pris des caméras légères pour montrer leur réalité et décoloniser leur cinéma. Aujourd’hui, on constate que les Noirs, c’est à notre tour de le faire !

Jean-François Méan, responsable de la programmation du FIFBM

En plus d’être un espace inspirant pour la relève, le festival permet aux cinéphiles de découvrir des histoires authentiques et d’apprendre. Une occasion de s’enrichir culturellement dont il serait bénéfique de profiter, insistent Fabienne Colas et Jean-François Méan.

« On veut faire avancer la connaissance, faire naître des collaborations, explique la présidente. On est complètement tournés vers l’avenir. On continue parce qu’on veut s’assurer que l’industrie est en santé en termes de diversité. »

Consultez le site du festival

Cinq incontournables selon Jean-François Méan, le responsable de la programmation

PHOTO TIRÉE DU SITE DU FIFBM

Scène du documentaire A Story of Bones

A Story of Bones

« Une femme chargée de projet d’infrastructure routière sur l’île Sainte-Hélène, dans l’Atlantique Sud, découvre que 10 000 dépouilles d’esclaves ont été laissées sans sépulture et doivent être déplacées pour faire place à un projet routier. Excellent documentaire pour en apprendre davantage sur l’apartheid et sur les injustices historiques vécues par les personnes noires. »

Mon père, le diable

« Une réfugiée africaine en France est confrontée à son passé douloureux lorsqu’elle se rend compte que l’homme qui était son tortionnaire travaille comme prêtre dans le centre de soins où elle est aide-auxiliaire. Une œuvre percutante qui ne laisse vraiment pas indifférent. »

Goodbye Julia

« Un film qui était en compétition à Cannes ! Sur fond de guerre civile au Soudan, une femme du Sud et une femme du Nord se lient d’amitié, malgré tout. L’angle de la condition féminine est extrêmement important. »

Colette et Justin

« Ce film est réalisé par un documentariste congolais et belge qui a une très belle plume (la narration est exquise). Il fouille l’histoire de sa famille, de son père et apprend que celui-ci était un collaborateur du coup d’État de Mobutu. L’histoire des Noirs n’a pas été documentée, c’est intéressant de voir que beaucoup de gens passent donc par leur arbre généalogique pour s’y intéresser. »

PHOTO FOURNIE PAR LE FIFBM

Scène du documentaire L’argent, la liberté, le franc CFA

L’argent, la liberté, le franc CFA

« Un documentaire qui fait preuve d’une recherche exhaustive, qui remet en question la domination économique exercée par la France en Afrique de l’Ouest par le biais du franc CFA. Très pertinent, vu la chaîne de coups d’État récente en Afrique de l’Ouest et centrale. C’est un film qui porte un regard décolonisateur sur l’histoire. »