Marc-André Lussier a accumulé pendant des décennies des magazines de cinéma, qu’il a fini par donner à la Cinémathèque québécoise. En déménageant les boîtes, voilà une dizaine d’années, il a fait une chute. Fracture du bras.
« Ça ne l’a pas empêché de rédiger son blogue de la main gauche pendant des semaines. C’est dire à quel point le professionnalisme de Marc-André était grand », a raconté son collègue et ami Marc Cassivi, mercredi soir, à la Cinémathèque québécoise.
Marc-André Lussier a mis en lumière le cinéma pendant toute sa carrière. Mais mercredi, c’est lui qui était honoré. Des collègues de La Presse, des journalistes d’autres médias et des personnalités du milieu du cinéma se sont réunis à la Cinémathèque pour saluer le critique passionné et rigoureux qu’il a été, mais aussi l’homme gentil et bienveillant qu’il était. Marc-André Lussier est mort subitement en juin, une dizaine de jours après avoir été opéré au cœur.
Marc Cassivi a raconté au micro quelques anecdotes à propos de la carrière de son ami. Autodidacte, Marc-André Lussier rédigeait déjà dans les années 1980 de courtes critiques de films, à la main, dans un cahier Canada. Il a déjà roulé presque 1000 km aller-retour pour aller rencontrer Catherine Deneuve à Toronto. « Pour lui, le cinéma passait avant tout », a résumé Marc Cassivi.
C’est à la toute fin de son discours que la voix de Marc Cassivi a craqué, au moment de parler de l’amitié qui l’unissait à Marc-André Lussier. Son collègue Alexandre Vigneault a terminé la lecture pour lui, en lui tenant la main. « Il était très aimé. Et lui rendre hommage comme ça, en gang, il y a quelque chose d’une catharsis », a dit Marc Cassivi.
Mercredi soir, on sentait très bien cet amour envers Marc-André Lussier, tant de la part de ses collègues de La Presse que des journalistes de médias concurrents. Le Devoir, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, Radio-Canada, Le Soleil : ils étaient tous là. « La première fois que je suis allé couvrir le Festival de Cannes, Marc-André était là. Il m’a accueilli comme un collègue, dans la bienveillance, a confié Éric Moreault, du quotidien Le Soleil. Jamais Marc-André ne prenait quelqu’un de haut. Jamais. »
« Il va manquer au cinéma », a confié Odile Tremblay, chroniqueuse culturelle au Devoir.
« Son approche était respectueuse, sans complaisance, toujours juste », a résumé Claude Deschênes, ex-journaliste culturel à Radio-Canada.
Dans une vidéo hommage, plusieurs cinéastes québécois ont témoigné, dont Philippe Falardeau, qui a souligné que Marc-André Lussier allait toujours voir les cinéastes québécois lorsqu’ils présentaient des films dans des festivals à l’étranger. « Souvent, d’ailleurs, et ça c’est connu, sur son propre temps de vacances », a précisé Philippe Falardeau.
Pour le distributeur Louis Dussault, Marc-André était une référence cinématographique. Et sa mort signe aussi la disparition de toutes ces connaissances et de toutes ces références accumulées pendant tant d’années. « On voulait tous avoir Marc-André pour couvrir nos films, parce qu’on savait qu’il avait la culture, qu’il avait le recul », a dit Louis Dussault.
En guise d’hommage à Marc-André Lussier, la Cinémathèque québécoise a projeté mercredi soir Le dernier métro, de François Truffaut, l’un des films fétiches du critique de cinéma. Le cinéaste Stéphane Lafleur a assisté à la projection. « On sentait que, même après tous les films qu’il avait vus, Marc-André avait encore la passion », a-t-il dit.
L’actrice Julianne Côté, également présente à la projection, a raconté avoir croisé Marc-André Lussier dans la rue quelques jours avant sa mort. Il était souriant, lumineux, se souvient-elle. « C’était un phare dans la nuit de la culture », a-t-elle observé.
Au micro, François Cardinal, éditeur adjoint et vice-président Information de La Presse, a souligné que bien peu de journalistes auraient droit à un tel hommage.
« Le fait qu’on soit là, autant des collègues, des confrères, que du monde du milieu du cinéma que Marc-André couvrait, ça dit énormément sur lui », a-t-il conclu.
Extraits de témoignages de cinéastes présentés dans une vidéo en hommage à Marc-André Lussier
C’est ce que je garde de Marc-André, une espèce de présence bienveillante qui nous suivait un peu partout. Je pense que ça va me manquer, si j’ai la chance de retourner à l’étranger faire une sortie de film ou présenter le film en festival, de croiser Marc-André. Pour discuter de cinéma.
Philippe Falardeau
On dit souvent : "Ah, les critiques au Québec sont trop gentils. C’est un petit milieu. Tout le monde se connaît." Ses critiques, ce n’était pas que c’était gentil. C’était courtois, c’était intelligent, c’était sensible. On pouvait lire entre les lignes presque comment s’améliorer.
Robin Aubert
Quand on rencontre les critiques, on a une coche de vulnérabilité qui embarque en plus. Mais avec lui, elle était apaisée, cette part de fragilité. On dirait que je sentais vraiment l’allié. Marc-André, merci pour cette profonde humanité.
Anaïs Barbeau-Lavalette
C’était quelqu’un d’intègre, de juste, d’honnête. Et ça se sentait. Son amour du cinéma était absolument contagieux. Et il va nous manquer. Il nous manque déjà.
Denis Villeneuve