Netflix pourrait bientôt annoncer la mise en chantier de films québécois originaux. Le géant américain vient de signer un accord avec Attraction concernant des projets de longs métrages en français, que l’entreprise montréalaise développera et produira.

Il s’agit d’une entente de type « premier regard », la première ratifiée par Netflix au Canada. D’après les termes du contrat, conclu au début de novembre, la boîte de production derrière Le temps d’un été (2023), L’arracheuse de temps (2021) et Mafia inc. (2020) s’engage à présenter ses projets de films en priorité au populaire service de vidéo sur demande par abonnement, qui compte 247 millions de membres payants dans plus de 190 pays.

Ce type d’entente, communément appelé « First Look », est fortement répandu aux États-Unis. Les grands studios s’entendent avec quelques petites sociétés de production réputées pour s’assurer, en échange d’une somme d’argent, d’être les premiers auxquels elles présenteront leurs esquisses de scénario.

C’est Netflix – et non Attraction – qui a sollicité la rencontre. Joint au téléphone, le vice-président, producteur fiction, chez Attraction, Antonello Cozzolino, parle d’un « acte de foi » non seulement envers l’entreprise pour laquelle il travaille, mais aussi envers l’ensemble des créateurs québécois.

Netflix nous fait confiance pour développer des projets. C’est un geste de générosité extraordinaire. Et c’est surtout la preuve qu’ils sont engagés envers le contenu québécois francophone.

Antonello Cozzolino, vice-président, producteur fiction, chez Attraction

Pour l’instant, aucun titre n’est confirmé. « Nos équipes sont en cours de développement », nous assure toutefois la direction de Netflix. Les chances sont-elles bonnes pour qu’une annonce soit faite prochainement ? Oui, répond Antonello Cozzolino sans hésitation.

Bientôt la loi

Cet accord entre Attraction et Netflix survient alors que l’entreprise américaine se prépare à respecter la Loi sur la diffusion continue en ligne, qui a reçu la sanction royale au mois d’avril dernier. Cette loi, dont les paramètres seront définis au cours des prochains mois, imposera notamment des obligations de dépenses à l’endroit des différentes plateformes pour qu’elles produisent du contenu canadien en sol canadien.

Lisez « Loi sur la diffusion continue en ligne : la balle est dans la cour du CRTC »

Selon Antonello Cozzolino, les dirigeantes du volet canadien de Netflix, les productrices Tara Woodbury et Danielle Woodrow, basées à Toronto, sont « sincères » lorsqu’elles disent vouloir produire des films québécois en français. « Elles sont très efficaces et elles sont soutenues par leur état-major », ajoute le producteur.

Pour Richard Speer, président d’Attraction, cette alliance permettra de « propulser le contenu québécois à l’échelle planétaire ».

Jusqu’à présent, un seul long métrage québécois arbore la mention « Netflix Original » : Jusqu’au déclin (The Decline, en version traduite en anglais). Sorti en 2020, réalisé par Patrice Laliberté et mettant en vedette Marc-André Grondin, Guillaume Cyr et Marie-Évelyne Lessard, le thriller survivaliste avait rallié 21 millions d’abonnés durant ses premiers mois en ligne. Et 95 % d’entre eux venaient de l’extérieur du pays, révélaient des statistiques d’écoute fournies par Netflix.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Jusqu’au déclin, le seul et unique film québécois produit par Netflix jusqu’à présent

Une bonne nouvelle pour « toute l’industrie »

L’entente Netflix-Attraction fera sans doute des jaloux au sein des producteurs québécois. Mais pour Antonello Cozzolino, il s’agit d’une bonne nouvelle pour toute l’industrie, puisqu’en présentant des projets de films directement à Netflix, sans emprunter la voie habituelle de financement, Attraction évite de solliciter les institutions publiques (SODEC, Téléfilm Canada) et « soulage un écosystème déjà engorgé ».

Le Québec, c’est une source intarissable de talents : scénaristes, réalisateurs, comédiens… Il y a beaucoup de bons projets, mais étant donné qu’il n’y a pas assez d’argent public pour tous les faire, c’est bon de faire un film à l’extérieur du système, sans l’aide financière de l’État.

Antonello Cozzolino, vice-président, producteur fiction, chez Attraction

« C’est juste de l’eau au moulin. C’est une opportunité de plus pour nos créateurs », poursuit le producteur.

Netflix n’est pas l’unique géant américain avec lequel Attraction fait affaire. La boîte derrière En direct de l’univers (Radio-Canada), Deux hommes en or (Télé-Québec) et L’amour est dans le pré (Noovo) produit également LOL : Qui rira le dernier ? pour Prime Video, le service de vidéo sur demande d’Amazon.

« Tout le monde cherche à tirer son épingle du jeu, souligne Antonello Cozzolino. Pour nous, c’est un pipeline de plus.

« Si on est capables de développer un filon avec Netflix, qui peut faire rayonner nos productions dans 240 pays, on serait fous de s’en passer. »