Intéressante proposition que voilà : alors que le temps est gris et le climat social plutôt maussade, au lieu de songer à nous encabaner, Novembre nous invite à aller vers l’autre. Tendre la main, écouter, échanger. Une invitation quasi subversive qui tombe à pic.

Évitons d’emblée toute confusion : Novembre, on l’aura compris, est le nom d’un long métrage, présenté ce samedi en clôture des 26es Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), qu’on pourra voir en salle dès le 1er décembre.

Nous avons rencontré ses deux réalisatrices, Karine van Ameringen et Iphigénie Marcoux-Fortier, à la Cinémathèque cette semaine, pour discuter de leur inspirante invitation, par une journée bien grise, digne du mois en question.

Certes, il ne se passe pas grand-chose dans ce film, essentiellement contemplatif. En même temps, et pendant plus de 90 minutes, il s’en passe tant. C’est qu’on y découvre quantité de gens, rencontrés plus ou moins par hasard, dans le dédale de la ville et la grisaille du mois. D’abord : un immigrant aveugle dans un taxi, puis son chauffeur, un autre passager, et ainsi de suite. De l’artiste à la personne handicapée, en passant par la personne âgée, la mère de famille, le jeune, toutes ces personnes (pardon : ces personnages) apparaissent sans transition à l’écran, dans une sorte de conversation à relais, pour y philosopher sur le sens de la vie. Tous ajouteront aussi leur grain de sel sur la difficulté d’être soi-même, le monde qui « part en couille », le prix du steak, l’obsession de la performance, etc.

On reconnaîtra le père Noël ( !) et la fée du Mile End (Patsy Van Roost) dans le lot, composé par ailleurs d’inconnus dans la ville. La ville, justement, est ici la toile de fond de cette courtepointe de confidences. On reconnaît là le boulevard Saint-Laurent, ici Rosemont, plus loin le parc Laurier, de jour comme de nuit, avec beaucoup de gris. Cela part dans tous les sens. On entre chez quantité de gens. Mais quelque part, tout se rejoint. Pas de doute, Novembre est assurément le film en noir et blanc le plus coloré qu’il vous sera donné de visionner.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Iphigénie Marcoux-Fortier et Karine van Ameringen

On a voulu prendre un temps pour écouter les gens, voir comment eux font pour survivre dans ce monde compliqué.

Karine van Ameringen, coréalisatrice

« Et novembre, c’est le contexte idéal, c’est un mois mal aimé, un peu vide, souvent difficile, où on se prépare à hiberner, c’est une période de mélancolie », ajoute Iphigénie Marcoux-Fortier.

L’importance de se poser

Les deux cinéastes, à qui l’on doit ici la recherche, le montage et la réalisation, ont fondé leur boîte de production il y a 20 ans : Les glaneuses. Son nom résume à lui seul leur mission. « C’est notre philosophie profonde, poursuit Iphigénie Marcoux-Fortier. Ramasser, s’intéresser à des histoires qui ne sont pas nécessairement vues ou connues, aller à la rencontre des gens ! »

« C’est vraiment un mode de vie, renchérit sa collègue, une façon pour nous de comprendre le monde, poser des questions, comprendre pourquoi on est ici. L’idée, c’est de dire : on vit dans un monde aliénant, dans un système qui fait la promotion de la productivité, de la consommation, et on ne passe pas beaucoup de temps à s’occuper des gens qui nous entourent. »

D’où cette main tendue vers le réparateur de vélos ici, le sans-abri là, un geste qui s’inscrit dans une sorte de pied de nez au diktat du productivisme ambiant, pour prendre le temps d’écouter l’autre, et prendre le temps tout court.

Ce faisant, le spectateur est en quelque sorte happé par les personnages, et surtout leurs réflexions, lesquelles se suivent, parfois se répondent, mais parfois pas. On ne sait pas trop où tout cela va nous mener, mais assurément, cela force à prendre un temps d’arrêt. Ce sera déjà ça de gagné. « L’idée, c’est d’embrasser cette dépression, conclut Karine van Ameringen. On se sent souvent mal de s’arrêter, de réfléchir, de se poser ! Or, cet état de spleen est aussi là pour nous permettre de nous poser. […] Il y a plein de gens importants qui ont des choses à dire ! »

Pourquoi ne pas les écouter, finalement ?

Novembre est présenté aux RIDM comme film de clôture du festival le samedi à 20 h au cinéma du Musée et dimanche à 20 h au Cinéma du Parc.

En salle le 1er décembre.

Consultez le site des RIDM