(Toronto) Une nouvelle étude réalisée par le Réseau des exploitants canadiens indépendants indique que leur industrie est « en crise » et que de nombreux cinémas ont besoin d’un financement public accru pour rester à flot.

Les résultats d’un sondage révélés mardi par le regroupement montrent que 60 % des exploitants qui ont répondu entre décembre et février disent avoir fonctionné à perte à la fin de leur plus récent exercice financier.

Environ deux tiers des 67 répondants déclarent avoir besoin d’un financement public accru pour rester opérationnels. La majorité des répondants estiment qu’ils auraient besoin d’environ 50 000 $ de financement supplémentaire par année, pendant trois ans, pour combler leur manque à gagner immédiat.

Sonya William, directrice du Réseau, a déclaré que l’étude dresse le tableau d’un paysage financier « vraiment sombre », qui risque de s’aggraver si des changements politiques ne sont pas apportés et si le financement ne vient pas.

« Nous pensons que c’est un moment vraiment important pour nous pour tirer la sonnette d’alarme et dire : s’il vous plaît, faites attention à ce qui se passe en matière d’exploitation cinématographique dans ce pays », a-t-elle déclaré.

Le rapport du regroupement est publié alors que l’industrie se remet de la pandémie de COVID-19, qui a temporairement fermé les cinémas dans de nombreuses régions, et qu’une succession d’associations d’artistes au Canada ont déploré un manque de financement et une lutte pour la survie de leurs membres.

La semaine dernière, la présidente de Hot Docs, le plus grand festival de films documentaires au Canada, qui présente aussi des films toute l’année, à Toronto, a écrit une note à son « cher public », la semaine dernière, affirmant que son avenir était en péril.

« Bien que nous ayons pris des mesures pour réduire nos frais généraux sans affecter notre programmation de base, nous perdons rapidement du terrain et avons besoin de toute urgence d’un soutien direct pour assurer notre viabilité future », a écrit sur le site Marie Nelson dans une lettre ouverte, le 8 mars.

Exclusivité des grands studios

Pour résoudre ces problèmes, le Réseau des exploitants canadiens indépendants recommande notamment que les grands studios cessent d’exiger que leur film tienne l’affiche deux, trois ou quatre semaines à toutes les séances d’une journée sur un même écran.

Selon le regroupement, les studios refuseraient toute demande visant à partager un écran avec d’autres films. « S’il s’agit d’un cinéma à un seul écran dans une petite localité […] c’est vraiment difficile pour un cinéma de maintenir un film aussi longtemps », a déclaré Mme William.

Quelque 81 % des exploitants indépendants interrogés ont déclaré être touchés par cette contrainte des studios et presque autant ont déclaré que cela pesait sur leur programmation. D’ailleurs, 62 % ont déclaré que la fin de cette pratique entraînerait un « changement de paradigme » ou aurait « un impact considérable » sur leurs activités.

Le Réseau des exploitants indépendants souhaite également l’élimination des « dispositions de zone », qui empêchent un cinéma de présenter un film lorsqu’un autre « à proximité » le projette toujours.

« Ce système de zones est bien mystérieux : malheureusement, personne n’a jamais vu la carte des zones au Canada », a fait remarquer Mme William.

L’étude du Regroupement a révélé que 53 % des exploitants indépendants interrogés devaient souvent attendre que Cineplex, la plus grande chaîne de cinéma au pays, retire de l’affiche un film dans leur zone pour qu’ils puissent le projeter.

Les ramifications de cette pratique ont été très claires au cours de l’été, lorsque les films à succès Barbie et Oppenheimer ont attiré les foules dans les salles, battant plusieurs records au guichet.

« Beaucoup de cinémas (indépendants) de notre réseau n’ont pas pu projeter les films qui auraient réellement pu améliorer leurs résultats financiers et qui auraient rendu leur situation financière beaucoup plus positive à la fin de l’année dernière », a pointé Mme William.