« Adam ! Adam ! » Des cris stridents, à la limite du tolérable pour un chroniqueur de 50 ans, retentissaient aux abords du tapis rouge, jeudi soir devant le Palazzo del Cinema. À l’occasion de la première mondiale de Ferrari de Michael Mann, l’acteur Adam Driver s’est prêté de bonne grâce, pendant une vingtaine de minutes, au jeu des autographes. L’acouphène le guette.

S’ils sont si exaltés, c’est peut-être parce que les amateurs d’égoportraits vénitiens savent qu’ils ne risquent pas de voir beaucoup de stars hollywoodiennes au Lido cette année. Il n’y en aura pas des masses en raison de la grève des acteurs américains. Ils en profitent pendant que ça passe.

« Je suis très heureux d’être ici pour promouvoir le film », a déclaré Driver en conférence de presse, plus tôt dans la journée, en précisant qu’il était solidaire de la Screen Actors Guild et soutenait l’accord provisoire permettant aux acteurs d’accompagner des films indépendants dans des festivals.

« Je suis heureux que les films indépendants puissent être faits et profiter de cette dérogation », a ajouté l’acteur fétiche de Noah Baumbach, en saluant les producteurs indépendants qui, selon lui, respectent davantage les acteurs que les géants Netflix ou Amazon.

PHOTO VIANNEY LE CAER, INVISION, ASSOCIATED PRESS

Patrick Dempsey, Michael Mann et Adam Driver

Michael Mann a lui aussi appuyé les revendications du syndicat des acteurs et de celui des scénaristes hollywoodiens. « Nous n’avons pas reçu de chèque d’un grand studio. C’est pour ça que nous sommes ici, solidaires des deux syndicats », a indiqué le cinéaste de 80 ans, réalisateur de Heat, Ali et The Insider, qui dit avoir renoncé à l’essentiel de son cachet, comme Adam Driver, afin que son film puisse se faire.

La vie sur les pistes

Driver est un patronyme tout désigné pour un acteur qui incarne à l’écran Enzo Ferrari, fondateur de l’écurie automobile du même nom. Ferrari s’intéresse à une année charnière dans la vie de celui que l’on surnommait Il Commendatore.

En 1957, un an après la mort de leur fils, Enzo et Laura Ferrari (Penélope Cruz) sont en pleine tourmente. Leur couple est au bord de l’implosion, alors que Laura découvre qu’Enzo mène une double vie (et a un jeune fils illégitime). L’entreprise qu’ils ont cofondée est, elle, au bord de la faillite. Enzo mise sur une victoire dans la course mythique des Mille Miglia pour relancer sa marque déjà légendaire face à son grand rival Maserati. Une course particulièrement périlleuse, dans les bolides des années 1950, véritables tombeaux à ciel ouvert.

S’appuyant de son propre aveu sur le côté opératique et mélodramatique de cet épisode de la vie d’Enzo Ferrari, Michael Mann a mis en scène un récit tendu et enlevant, particulièrement dans les séquences filmées depuis les voitures de course recréées à l’identique, au ras de la piste.

Potin : une des vieilles Maserati à l’écran appartient à Nick Mason, le batteur de Pink Floyd, a précisé Michael Mann.

Tourné en anglais à Modène, la ville d’origine de Ferrari (et de Maserati), le film a la particularité de mettre en vedette des acteurs qui empruntent des accents « italiens », comme l’avait fait du reste Adam Driver en incarnant le couturier Maurizio Gucci dans House of Gucci de Ridley Scott. Son accent est cette fois moins prononcé, mais toujours aussi improbable. Et pas du tout semblable à celui de Penélope Cruz.

Cet écueil, ainsi que des dialogues parfois plaqués, n’empêche pas Michael Mann de proposer un autre film diablement efficace, où l’action déboule sur les chapeaux de roues (s’cusez-la). La musique ne tient plus une place aussi importante qu’à l’époque de ses premiers films (Thief et sa mémorable bande sonore signée Tangerine Dream), mais accompagne à merveille ce récit à l’humour souvent cynique. Ferrari, un film sur la transmission – dans tous les sens du mot – et le deuil, doit prendre l’affiche au Québec à Noël.