Nouveau documentaire québécois, Bidonville: architectures de la ville future propose, avec maints exemples, de revoir notre conception de ces endroits spontanément associés à la violence, à la pauvreté et au tiers monde.

Et si les bidonvilles apportaient une contribution - urbanistique, sociale, culturelle - à la société?

S'ils avaient, pour ainsi dire, des caches cachées?

C'est ce que suggère le réalisateur québécois Jean-Nicolas Orhon, qui donne la parole à des experts et qui a visité des bidonvilles en Inde, au Brésil, en Turquie, mais aussi à Marseille, au Québec, aux États-Unis.

Avant le tournage, aviez-vous des préjugés sur les bidonvilles?

Oui, beaucoup. C'est pour cela que j'ai fait ce film. Le point de départ fut ma rencontre avec Nicolas Reeves (professeur à l'École de design de l'UQAM), qui m'a parlé de ses recherches. Il était intéressant de voir le bidonville sous un angle neuf. Avant, je croyais que les bidonvilles étaient synonymes de chaos. Les travaux de M. Reeves ont changé ma perception et j'ai voulu, à mon tour, déconstruire ces préjugés.

Associe-t-on trop facilement les bidonvilles au tiers monde?

Il est sûr que les gros bidonvilles sont dans les pays du tiers monde. Mais il existe aussi en Occident des endroits où des gens sont regroupés avec les mêmes préoccupations, les mêmes problèmes que les habitants des grands bidonvilles: manque d'eau, d'électricité, d'espace, etc. Nous avons voulu présenter en équilibre des cas existant dans ces deux parties du monde.

Quels sont les principaux apports des bidonvilles à nos sociétés?

Les gens vivant dans les bidonvilles trouvent des solutions pour vivre ensemble malgré leur peu de ressources. Ils élaborent des solutions à des problèmes écologiques ou d'aménagement. Lorsque des gouvernements rasent des bidonvilles pour construire des HLM, ils prendraient avantage à voir comment ces habitants s'organisent avant de dessiner leurs plans. Ce fut le cas dans un quartier de Bangalore (Inde), où des gens ont construit des huttes dans un dépotoir. Avec le temps, le quartier s'est amélioré et le gouvernement a donné un coup de pouce en installant l'eau potable, l'électricité et en faisant des prêts aux gens pour mieux aménager leurs habitations. Dans un tel cas, le quartier se rattache à la ville.

Dans le titre, architectures est au pluriel. Pourquoi?

Parce qu'on retrouve différentes formes d'architecture dans les bidonvilles. Les habitations en Inde diffèrent de celles vues aux États-Unis ou au Québec. C'est lié à la culture des gens. Nicolas Reeves nous montre que ce sont des quartiers aux architectures singulières qui font contrepoint à des quartiers de logements sociaux construits par les gouvernements et qui se ressemblent tous, d'une ville, d'un pays à l'autre.

En quoi votre film est-il cinématographique?

Le directeur de la photographie, Vincent Chimisso, et moi voulions montrer ces endroits de belle façon. La fin du film porte sur la fierté des occupants des bidonvilles. Ce fut ma découverte. Les bidonvilles ne sont pas que des endroits aux couleurs très foncées ou campés dans la boue. Par exemple, le soir à Mumbai, les gens des bidonvilles éclairent leur environnement de lanternes colorées et c'est très beau. Je n'ai pas voulu idéaliser les bidonvilles, mais je voulais avoir une belle facture visuelle, en lien avec l'architecture que j'ai découverte.

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Bidonville: architectures de la ville future prend l'affiche le 22 août.