Kevin Tierney, 58 ans, est un homme de contrastes. Producteur du plus grand succès de l'histoire du cinéma canadien, Bon Cop, Bad Cop, il revient avec un film d'auteur, Serveuses demandées. Le producteur anglo-montréalais est un mordu de production qui rêve de cinéma populaire, et bilingue.

Difficile, quand on pense à Kevin Tierney, de ne pas penser à Bon Cop, Bad Cop, à son vertigineux box-office et à ses non moins imposantes ventes en DVD. La machine comique «so Canadian» de Tierney-Canuel-Huard a pourtant peu en commun avec l'intimiste Serveuses demandées, de Guylaine Dionne, qui prend l'affiche vendredi.

Peu, si ce n'est Colm Feore: l'anglo que les Québécois préfèrent y fait une apparition dans l'imper d'un fonctionnaire de la GRC... of course. «Il était connu comme un comédien très Shakespeare, maintenant, à Montréal, tout le monde le reconnaît», s'amuse Kevin Tierney. 

Populariser Colm Feore auprès de la gent féminine d'ici n'est pas la seule bonne action que la culture canadienne devra à Kevin Tierney.

Le producteur planche sur une nouvelle comédie sur le thème très canadien des classes d'immersion, French Immersion. Tierney en rit déjà: «C'est l'histoire de cinq anglos qui viennent étudier le français pendant deux semaines au Québec: c'est cinq bons cops, cinq bad cops.» 

Kevin Tierney a développé cette idée pour la première fois il y a 15 ans, avec le scénariste québécois Jefferson Lewis, pour être tourné par Francis Mankiewicz. Le film ne s'est pas fait et c'est lors d'un hommage à Mankiewicz, bien des années plus tard, que Tierney repense au projet et le relance.

Par un drôle de hasard, c'est une série documentaire consacrée au père du bilinguisme canadien et des classes d'immersion qui lance la carrière de producteur de Tierney. En 1994, Pierre Elliott Trudeau: Mémoires, qu'il coproduit avec Rock Demers, se voit décerner le prix Gémeaux de la meilleure série documentaire.

«On devrait faire ça avec tous nos grands chefs d'État», croit Kevin Tierney. De Pierre Elliott Trudeau, le producteur se souvient d'un homme «assez spécial», extrêmement rigoureux, à qui il avait confié n'avoir jamais voté pour lui. «Il était assez choqué», s'amuse-t-il.

L'un de ses derniers projets, The Trotsky, tourné l'été dernier, jouera lui aussi la carte du Montréal anglo. L'enfant chéri de la comédie américaine, le très montréalais Jay Baruchel (Tropic Thunder), y tient le premier rôle, entouré, entre autres, de Colm Feore, Anne-Marie Cadieux, Geneviève Bujold et Hélène Bourgeois-Leclerc.

The Trotsky est campé dans le monde «très anglophone de Montréal, où les gens parlent aussi français: c'est plutôt Mordecai Richler, mais en 2009», se réjouit Kevin Tierney, visiblement enthousiasmé par le premier long métrage réalisé par son fils, Jacob Tierney - d'abord comédien, vu dans Watatatow.

Arrivé à la production presque par hasard - Kevin Tierney a été professeur au cégep John-Abbott avant de se joindre aux productions La fête, de Rock Demers, puis de fonder sa propre société, Park Ex Pictures - le producteur évoque, avec humour, une jeunesse anglophone à Montréal.

D'origine irlandaise par son père comme par sa mère, il se souvient de son grand-père «qui détestait les Anglais» mais qui malgré tout se faisait traiter d'Anglais par les francophones; de l'école catholique, fréquentée le soir, sur la Rive-Sud. Tierney voit toujours les deux solitudes: «Quand je suis à Toronto, je me sens toujours montréalais!» s'exclame-t-il.

Park Ex Pitcures ne manque pas de projets de films pour l'avenir, en anglais, donc, mais aussi en français. En dépit des succès passés et à venir, Kevin Tierney ne souhaite pas agrandir Park Ex Pictures. «J'ai gardé la notion de small is beautiful», assure-t-il.