« Comprendre et ne pas juger », telle est la devise de Jules Maigret, enquêteur de la brigade du 36, quai des Orfèvres. Le célèbre personnage de Georges Simenon, apparu dans un livre en 1931, semble figé dans le temps et les vieilles habitudes. Affublé de ses éternels complets, pardessus et chapeaux mous, il dégage toujours un parfum suranné, démodé. Mais il ne fume plus sa pipe, car au début du film, un médecin prescrit à Maigret d’arrêter le tabac.

Il reste qu’en retrouvant le commissaire au grand écran, ses valeurs agissent comme un baume sur une époque, la nôtre, où l’on préfère juger… et ne pas comprendre. En allant voir l’adaptation à la fois libre et respectueuse de Patrice Leconte, vous allez (re)découvrir avec joie Maigret, sous les traits d’un Gérard Depardieu au sommet de son art !

PHOTO PASCAL CHANTIER, FOURNIE PAR AXIA FILMS

Gérard Depardieu dans Maigret

Librement adapté du roman Maigret et la jeune morte, paru en 1954, le film commence par la découverte d’une jeune fille poignardée au cœur de Paris, en pleine nuit. Rien ne permet d’identifier la victime, personne ne semble l’avoir connue ni se souvenir d’elle. Sur son chemin, Maigret croisera une jeune paumée qui ressemble beaucoup à la morte… Au fil de son enquête, il se souviendra d’une autre disparition, plus intime et personnelle. En enquêtant sur ce crime odieux, le commissaire essaiera aussi de trouver la paix dans son cœur.

Un Maigret vulnérable

Visiblement, Patrice Leconte est attaché à l’antihéros de Simenon. Le cinéaste nous montre « son » Maigret : un homme vieillissant, épuisé et vulnérable dans son désir de masquer ses anciennes blessures, d’effacer un vieux chagrin. Malgré cela, ce Maigret n’a pas perdu son instinct pour départager la vérité du mensonge.

Maigret est un très beau film qui fait l’éloge de l’homme et de la femme « ordinaires ». Tout en étant une œuvre de cinéma, avec ses cadrages soignés, sa direction artistique raffinée, ses références à Godard, à Hitchcock et au cinéma muet.

Sans le réinventer, Leconte donne au commissaire une couche humaine et sensible, universelle et intemporelle. Entre les lignes, Maigret demeure un homme coincé entre sa famille et son travail, la justice et le doute, le sens du devoir et la soif de liberté. Comme bien des gens.

Depardieu, l’acteur

Pour incarner Maigret, le réalisateur a misé sur Gérard Depardieu. Un choix qui ne fait pas l’unanimité, depuis sa mise en examen en 2020 pour agression sexuelle. Quoi qu’on pense de l’homme, le comédien impressionne. Avec un jeu sobre, nuancé, il nous donne accès à la conscience de Maigret. Par-delà le mur de son imposante carapace, Depardieu, tout comme Maigret, est un homme vieillissant et brisé. Son jeu transmet la fragilité du policier, bouleversé par la mort d’une jeune inconnue qui lui rappelle aussi le temps perdu et la peur de mourir.

PHOTO PASCAL CHANTIER, FOURNIE PAR AXIA FILMS

Jade Labeste dans Maigret

Parmi les rôles secondaires, hélas, on trouve des interprètes plus faibles ; les suspects du crime forment le maillon le plus faible du film. Signalons, par contre, la présence lumineuse et le talent de Jade Labeste. Dans le rôle de Betty, copie (presque) conforme de la victime, l’actrice fraîchement sortie du Conservatoire d’art dramatique de Paris est excellente !

Finalement, le réalisateur de Ridicule signe avec finesse et doigté un film touchant, sobre et crépusculaire. Un polar tout en dentelle.

En salle

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Maigret

Drame policier

Maigret

Patrice Leconte, d’après l’œuvre de Georges Simenon

Gérard Depardieu, Jade Labeste, Mélanie Bernier

1 h 28 min

7/10