Un tournage va avoir lieu cité Picasso, dans le Nord-Pas-de-Calais. Un réalisateur fait un « casting » pour choisir quatre adolescents pour jouer dans un film social au titre improbable, À pisser contre le vent du nord. Dans le quartier, tout le monde s’étonne : pourquoi n’avoir pris que « les pires » ?

En réalisant un film sur le tournage d’un film, mettant en vedette quatre adolescents d’une cité populaire à Boulogne-Sur-Mer, Les pires reprend le procédé de la mise en abyme, pour poser d’intéressantes questions, à la fois sur l’art et sur la société. Lise Akoka et Romane Gueret signent un premier long métrage étonnant, fort bien dirigé. Et elles posent un regard critique à la fois sur le pouvoir du cinéma et sur le « voyeurisme social » de notre époque de téléréalité visuelle.

L’idée du film leur est venue alors qu’elles faisaient du « casting sauvage » avec des enfants pour un court métrage. Elles ont voulu aller plus loin, en interrogeant la légitimité de leur démarche.

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS VELVET

Scène du film Les pires

Multipistes

Le film multiplie les niveaux de lecture. Les pires est un croisement entre La nuit américaine, l’hommage inégalé à la magie du cinéma de Truffaut, et un film social de Bruno Dumont (ou des frères Dardenne). D’ailleurs, le film navigue entre ces deux genres, sans jamais choisir. Utilise-t-il les enfants vulnérables pour fabriquer une œuvre réaliste forte ? Ou pour mieux comprendre leur quotidien difficile ? La réponse n’est pas claire à nos yeux.

À l’ère des réseaux sociaux et autres téléréalités, l’idée de mettre en scène des acteurs non professionnels n’a rien de nouveau. Or ici, on est plus dans la nuance que dans l’épanchement. Les visages des adolescents sont cadrés en gros plans. Telles des toiles vierges sur lesquelles la caméra capte toutes les émotions primaires ou presque. La colère du petit Ryan, la tristesse de Maylis, la joie de Lily ; et la peur enfouie sous le masque du mépris de Jessy. Ils sont tous criants de vérité.

« J’aime pas ça quand des gens me regardent à la caméra, confie le petit Ryan, au début du tournage fort agité. J’ai l’impression que les gens se moquent de moi. » « Tu dois faire confiance en ce que tu ressens », lui répond le réalisateur flamand du faux film (Johan Heldenberg).

Dans Les pires, on doit faire confiance aux images chargées d’émotions. Il y a autant de sourires que de larmes, de violence que de tendresse. Mais surtout un grand amour pour la vérité du cœur. On comprend pourquoi ce long métrage a conquis le public en France et a reçu le prix Un certain regard, au Festival de Cannes, en mai dernier.

Finalement, les pires pommes de la cité sont des perles au grand écran.

En salle

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Les pires

Comédie dramatique

Les pires

Lise Akoka et Romane Guéret

Johan Heldenberg, Mallory Wanecque et Timéo Mahaut

1 h 39

7/10