Pierre Goldman, militant d’extrême gauche condamné à la prison à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes, obtient un deuxième procès en 1976. Éloquent et provocateur, il clame son innocence dans l’affaire des meurtres tout en dénonçant la justice et la police françaises.

Le procès Goldman de Cédric Kahn (L’ennui, Une vie meilleure) est un huis clos tendu autour d’un personnage principal fébrile et éloquent, qui s’adonne à une joute verbale fascinante, comme un boxeur se trouvant seul dans le ring contre la justice française.

Intellectuel et militant d’extrême gauche qui a combattu aux côtés de révolutionnaires dans le maquis vénézuélien, Pierre Goldman a été condamné à la prison à perpétuité en 1974 pour quatre braquages à main armée à Paris, dont un ayant entraîné la mort de deux personnes. Il obtient un deuxième procès, en 1976, en raison de doutes sur la preuve présentée en première instance.

Goldman clame son innocence dans l’affaire des meurtres, dans un livre écrit en prison et plébiscité par l’intelligentsia de gauche française (Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Régis Debray…), qui en fait une vedette littéraire.

Le demi-frère du chanteur Jean-Jacques Goldman, fils de résistants juifs d’origine polonaise, reconnaît être l’auteur de trois braquages, mais pas de celui du boulevard Richard-Lenoir, qui a coûté la vie à deux pharmaciennes.

Provocateur, Goldman profite du deuxième procès à la cour d’assises pour dénoncer la justice et la police françaises, qu’il accuse d’antisémitisme et de racisme systémique. Il milite notamment pour les droits des Noirs (sa conjointe a des origines antillaises). Sa charge virulente contre l’establishment fait-elle partie d’une stratégie pour mieux se poser en victime et éventuellement se disculper de crimes violents ?

Cédric Kahn fait le choix judicieux de ne pas trancher la question pour le spectateur, qu’il place dans la position du juré. Son film de procès, classique dans sa forme, trouve justement son originalité dans l’extrême sobriété de sa mise en scène. Tout le récit ou presque se déroule au tribunal. Il n’y a aucun retour en arrière et à peine quelques scènes où Pierre Goldman se retrouve ailleurs qu’au banc des accusés.

Présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes et du festival Cinémania, le film débute dans le bureau de Georges Kiejman, futur avocat-vedette dont on devine l’avenir de plaideur redoutable. Dans le rôle de ce procureur de la défense que désavoue d’emblée Pierre Goldman, le cinéaste de Diamant noir et coscénariste d’Anatomie d’une chute (de sa compagne Justine Triet), Arthur Harari, est très juste. Mais c’est Arieh Wolthalter qui retient pratiquement toute l’attention dans la peau de Goldman, un être paradoxal et insaisissable, grâce à un témoignage d’une intensité extraordinaire et à des colères soudaines contre toute forme d’autorité.

Théâtral dans sa forme, avec des envolées lyriques qui semblent parfois exagérées, Le procès Goldman ne prétend pas être une reconstitution fidèle, mais davantage une relecture de cette affaire mythique par Cédric Kahn, qui n’a pas eu accès aux transcriptions de témoignages du procès et a laissé libre cours à son imagination en s’inspirant pour son scénario (coécrit avec Nathalie Hertzberg) des articles de journaux de l’époque.

L’exercice ne manque pas d’intérêt, au contraire, même si on peut se demander ce qui est véridique dans ce procès où tout semble exacerbé et excessif, la justice pénale française offrant à la base un canevas particulièrement fertile en rebondissements et effets de toge. Quoi qu’il en soit, Cédric Kahn en tire un captivant portrait d’époque, qui trouve un écho certain aujourd’hui, alors que l’antisémitisme et le racisme systémique gangrènent toujours la société française.

Son film, comme son nom l’indique, ne s’intéresse qu’au procès de Pierre Goldman. Celui qui fut notamment propriétaire d’un club de salsa et journaliste au Nouvel Obs a été assassiné trois ans plus tard par des militants d’extrême droite. Il avait 35 ans.

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Le procès Goldman

Drame historique

Le procès Goldman

Cédric Kahn

Avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Stéphan Guérin-Tillié

1 h 55
En salle

7,5/10