À Boston, dans les années 1960, l’amitié entre une jeune secrétaire vivant avec son père alcoolique et sa nouvelle collègue célibataire prend une tournure dramatique.

Metteur en scène de théâtre, William Oldroyd avait ébloui bien des cinéphiles avec son premier long métrage, Lady MacBeth (2016), adaptation du roman de Nikolai Leskov où Florence Pugh brillait dans son premier grand rôle au cinéma. Campé en 1865 dans un univers austère évoquant Les hauts de Hurlevent d’Emily Brontë, Lady Macbeth avait pour sous-intrigue une relation manipulatrice entre une jeune mariée malheureuse et sa bonne.

On retrouve dans Eileen, écrit par Luke Goebel et Ottessa Moshfegh, d’après le premier roman de cette dernière paru en 2015, un écho de cette relation malsaine qui tourne ici à l’obsession. De même que des échos de Rebecca, de Daphné du Maurier, et de Carol, de Patricia Highsmith. De fait, avec ses airs de film noir, Eileen distille un parfum à la fois sensuel et sulfureux qui fait craindre le pire pour la protagoniste.

Vivant seule avec son père, Jim Dunlop (Shea Whigham), ex-policier veuf, alcoolique et paranoïaque, Eileen (Thomasin McKenzie, savant mélange de naïveté et de perversité) travaille comme secrétaire dans un centre de détention pour jeunes délinquants où elle encaisse chaque jour les commentaires désobligeants de ses consœurs. Lasse de son morne quotidien, Eileen s’évade dans ses fantasmes sexuels et morbides – ce qui donne lieu à des scènes tantôt hilarantes, tantôt choquantes.

Arrive alors Rebecca Saint John (Anne Hathaway, parfaite femme fatale), psychiatre diplômée de Harvard, fière célibataire, blonde platine aux tailleurs impeccables qui fume avec la grâce d’une héroïne hitchcockienne. La visite au centre de détention de Mrs Polk (Marin Ireland, bouleversante), dont le fils (Sam Nivola) a tué son père, viendra perturber l’amitié naissante entre la jeune femme et sa nouvelle collègue.

Dans l’esprit du roman, dont l’intrigue se déroule durant la semaine précédant Noël dans les années 1960, William Oldroyd crée un monde sombre, lugubre, désespéré, où le temps semble être suspendu. Dénuée de toute nostalgie de l’époque, la direction artistique souligne plutôt l’aspect crasseux des lieux, les tenues ternes d’Eileen, qui rêve d’une vie meilleure.

Si le réalisateur parvient à maintenir l’intérêt du spectateur pour ce drame où le misérabilisme côtoie l’humour macabre en instaurant graduellement un climat anxiogène, les scénaristes menacent de faire s’écrouler le tout au dernier tableau, où ils font quelque peu fi de la vraisemblance au profit d’un revirement inattendu.

En salle

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Eileen

Drame

Eileen

William Oldroyd

Thomasin McKenzie, Anne Hathaway, Marin Ireland

1 h 27

6,5/10