L’acteur et cinéaste Bradley Cooper confirme grâce à son deuxième long métrage, Maestro, si ce n’était déjà fait, qu’il n’est pas qu’un énième acteur avec de vagues aspirations de réalisateur, mais bien un cinéaste de grand talent.

En plus d’interpréter avec brio le rôle principal, Cooper a coscénarisé (avec Josh Singer, oscarisé pour Spotlight) et réalisé ce film splendide et émouvant, sur la vie (de couple surtout) du célèbre compositeur et chef d’orchestre américain Leonard Bernstein, devenu une vedette du jour au lendemain, à 25 ans, en triomphant à Carnegie Hall après avoir remplacé au pied levé un chef indisposé.

Maestro, un film sur le thème de la dualité, raconte 30 ans d’un mariage atypique – Bernstein était bisexuel, ce que n’ignorait pas sa femme. Il est conçu comme une œuvre symphonique ou une comédie musicale : avec ses mélodies, ses contrepoints, ses silences, ses crescendos et ses multiples variations de tempos.

Le réalisateur de la plus récente adaptation de A Star Is Born (avec Lady Gaga) impose un rythme particulier au récit, en épousant la nature à la fois hyperactive et dépressive de son sujet, un chef d’orchestre extraverti doublé d’un compositeur introverti. On doit s’adapter, au début, à ce rythme endiablé, à ce montage hachuré, à ce mitraillage de dialogues qui se chevauchent. La mise en scène de Bradley Cooper, qui multiplie les jeux d’ombres (le film est tourné en partie en noir et blanc) et les trouvailles visuelles poétiques, est ingénieuse et remarquable.

Carey Mulligan est particulièrement exceptionnelle dans le rôle de la comédienne, militante et femme de Leonard Bernstein, Felicia Montealegre, qui a dû faire bien des compromis et piler sur son orgueil pour maintenir à flot son couple et protéger des ragots ses trois enfants. « Il y a un dicton au Chili, dit Felicia à Leonard, alors que leur couple vacille. Il ne faut jamais rester sous un oiseau qui est plein de merde... »

PHOTO JASON MCDONALD, ASSOCIATED PRESS

Bradley Cooper et Carey Mulligan dans une scène de Maestro

Au cœur de Maestro, tout sauf accessoire, il y a bien sûr la musique du plus célèbre chef d’orchestre américain, compositeur notamment de la comédie musicale West Side Story et de la musique du film On the Waterfront, d’Elia Kazan. Cette musique majestueuse, choisie par Bradley Cooper parmi des œuvres parfois méconnues du répertoire de Bernstein, a été pour l’essentiel enregistrée pour la bande sonore du film par l’Orchestre symphonique de Londres, sous la direction du Québécois Yannick Nézet-Séguin.

Une scène charnière de Maestro, alors que Bernstein dirige avec son style flamboyant et son énergie électrisante l’orchestre dans une église, est l’un des points d’orgue de cette œuvre biographique qui prend aux tripes.

Certes, il s’agit d’un film que certains diront calibré pour les Oscars (je lui prédis bien des nominations). Il reste qu’il y a assez d’élans, de fulgurances, d’inventivité dans les séquences oniriques – clins d’œil au vieil Hollywood – pour que ce « film à Oscar » transcende le genre.

On a parlé abondamment, en amont de sa sortie en salle, depuis la présentation de Maestro en compétition à la Mostra de Venise, de la polémique au sujet de la prothèse nasale portée par Cooper, assimilée au « Jewface », un stéréotype antisémite. On oublie vite ce nez tellement il semble naturel.

Je reprocherais plutôt au film la nature trop explicative de certains dialogues. Show, don’t tell, comme on dit à Hollywood. Ça va aussi pour les notes biographiques que l’on insère dans des répliques : « Tu as été nommé à telle fonction en telle année, tu as remporté tel prix l’année suivante, etc. » C’est un bien petit bémol dans un concert d’éloges.

En salle et sur Netflix dès le 20 décembre

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Maestro

Drame biographique

Maestro

Bradley Cooper

Avec Bradley Cooper, Carey Mulligan, Matt Bomer, Maya Hawke

2 h 09

8/10