Dès l’hilarante première scène d’American Fiction, Cord Jefferson annonce férocement ses couleurs en écorchant, par la bouche de son personnage principal, Thelonious « Monk » Ellison, écrivain et professeur de littérature afro-américain bourgeois, incarné avec brio par le toujours excellent Jeffrey Wright, les dérives du wokisme et de la rectitude politique. Si certains en seront offensés, d’autres applaudiront chaudement.

Lors d’un cours sur la littérature du XIXsiècle du sud des États-Unis, Monk se fait interpeller par une étudiante blanche qui se dit offensée par le mot commençant par N écrit au tableau. S’ensuit une conversation d’un humour corsé entre l’homme, las des Blancs se prétendant les alliés des Noirs, et la jeune femme, qui claque la porte en pleurant. Suspendu par ses collègues blancs, Monk se rend à un festival de littérature à Boston, où habitent sa mère (Leslie Uggams), sa sœur (Tracee Ellis Ross) et son frère (Sterling K. Brown), avec qui il entretient des relations tendues.

Avec dépit, Monk constate que la vedette du festival est Sintara Golden (Issa Rae), autrice du roman We’s Lives in Da Ghetto, qu’il juge pétri de tous les clichés que les Blancs prêtent aux Noirs. Son éditeur d’origine sud-américaine (John Ortiz) lui reprochant de ne pas correspondre à l’image que les Blancs se font d’un écrivain noir, Monk se lance dans l’écriture d’un roman dans la lignée de We’s Lives in Da Ghetto. Au même moment, il rencontre Coraline (Erika Alexander), brillante avocate et avide lectrice, à qui il devra cacher sa double identité.

Savoureuse adaptation du roman Erasure (2011, Graywolf) de Percival Everett, cette première réalisation du scénariste Cord Jefferson (The Good Place, Watchmen) séduit par la puissance de ses dialogues, la pertinence de ses réflexions sur le sentiment d’appartenance à sa communauté, l’altérité, le racisme, la culture du bannissement et la bien-pensance, de même que son humour redoutable.

S’il n’est pas tendre envers le monde de l’édition ni envers l’industrie cinématographique, Jefferson ne se livre pas pour autant à une attaque en règle contre la société blanche qui se félicite de son ouverture à la diversité.

Tissant habilement une intrigue familiale, où il aborde avec sensibilité l’homosexualité, la maladie et le deuil, à laquelle se greffe tout naturellement une intrigue sentimentale dénuée d’eau de rose, Cord Jefferson met en scène un personnage qui regarde parfois le monde du haut de sa tour d’ivoire. Ainsi, en plus de brasser la cage du public blanc, il tend un miroir pas toujours flatteur aux membres de sa communauté aux prises avec leurs propres biais.

En salle

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American Fiction (v.f. : Fiction américaine)

Comédie dramatique

American Fiction (v.f. : Fiction américaine)

Cord Jefferson

Jeffrey Wright, Sterling K. Brown, Erika Alexander

1 h 57

8/10