Alors que sa vie personnelle et professionnelle se délite, Mathieu est sur le point d’exploser. Un jour, entraîné par un cerf qui semble lui indiquer le chemin, il entre dans la forêt derrière chez lui… pour ne plus en ressortir.

En choisissant de suivre plusieurs arcs dramatiques en même temps, pendant que la figure centrale est quasi absente du film, le réalisateur offre une œuvre sans grande tension. Surtout, on peine à s’attacher aux personnages, qu’on ne connaît qu’en surface. Chacun d’eux représente un cliché – le patron colérique qui s’abîme dans le travail, le bon gars qui manque d’ambition –, ce qui fait qu’on s’identifie très peu à leur questionnement existentiel. Et on est peu touché par leur désarroi, sauf peut-être devant la solitude du père (Jackie Berroyer).

Dans le rôle de Catherine, la femme de Mathieu, Suzanne Clément a une partition bien mince. Elle passe la première partie du film à chercher son mari en criant son nom à tout bout de champ, puis à répondre à la question que tout le monde lui pose : « Où est Mathieu ? — Dans la forêt. »

Son personnage se déploie davantage ensuite, et la comédienne lui insuffle ce qu’elle peut de nuances, malgré ses incohérences – disons que Catherine est difficile à suivre et le scénario aussi. Et pour le public québécois qui regarde STAT quotidiennement, l’accent français que la comédienne adopte dans le film, qu’on ne lui reproche pas, crée une réelle dissonance cognitive.

Ailleurs si j’y suis se veut un film fantaisiste et drôle, malgré le côté sombre du propos. Mais on rit peu devant la dérive des personnages – les crises de nerfs du patron de Mathieu, Guy (Jean-Luc Bideau), sont par exemple plus insupportables qu’autre chose. Tout comme les tergiversations de Stéphane (Samir Guesmi), qui sont beaucoup plus malaisantes qu’amusantes.

La fantaisie et la légèreté se retrouvent davantage du côté du lac où s’est réfugié Mathieu. Ce dernier vit dans un genre de béatitude, attrape des poissons à mains nues et converse avec les oiseaux, un peu comme dans un conte. Pour chaque scène qui s’y déroule, l’écran change de dimension et devient presque carré, et les couleurs sont plus pimpantes – l’eau est littéralement turquoise ! Ce petit côté surréaliste est toujours mis en opposition avec la réalité grise et bruyante, mais le procédé, s’il est intéressant, finit par être répétitif. Et pas très subtil.

À la fin, après une nuit de pluie diluvienne, chaque personnage connaîtra une illumination. C’est peut-être le message de ce film, qui invite à se reconnecter avec le monde, mais aussi à faire face à soi et aux autres. La scène finale, qui se déroule dans un « monde réel » aux couleurs tout à coup éclatantes, nous rappelle aussi que tout est souvent une question de perspective : même la réalité la plus terne peut devenir lumineuse.

Une belle leçon, et une belle idée, mais au bout d’un film sans grand tonus qui ne laissera pas beaucoup de traces.

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Ailleurs si j’y suis

Comédie fantaisiste

Ailleurs si j’y suis

François Pirot

Avec Jérémie Rénier, Suzanne Clément,
Jean-Luc Bideau, Jackie Berroyer

1 h 43

5/10