On connaît Alfred Pennyworth, fidèle majordome de Bruce Wayne et sa figure paternelle depuis qu’il est devenu orphelin à un jeune âge. Dans The Batman, de Matt Reeves, cette relation n’est plus aussi simple. Andy Serkis, qui l’incarne, explique à La Presse la dynamique entre son personnage et le nouveau Chevalier noir, interprété par Robert Pattinson.

« C’est une relation très compliquée, indique d’emblée le comédien britannique lors d’une entrevue virtuelle avec La Presse. Alfred veut avoir de l’empathie, mais ce n’est pas dans sa nature. Il ressent tout de même de la culpabilité puisqu’il n’a pas été en mesure d’aider Bruce à se défaire de sa propre culpabilité après avoir été témoin de l’assassinat de ses parents. De l’autre côté, Bruce tente de tracer son propre chemin, mais il avance avec beaucoup d’incertitude. Alfred ne possède pas les outils nécessaires pour être le pilier émotif de leur relation, ce qui le désole. »

Les Alfred joués par Michael Gough, Michel Caine et Jeremy Irons, notamment, étaient les sages conseillers des différents Bruce. Ceux-ci, interprétés entre autres par Michel Keaton, Christian Bale et Ben Affleck, étaient des hommes d’âge mûr, même s’ils étaient parfois immatures. Dans The Batman, Alfred fait de son mieux pour orienter un jeune homme qui n’a que la vengeance en tête. « Il est comme un adolescent qui passe à l’âge adulte, mais encore plus tourmenté. Alfred sait qu’il ne peut être un père pour lui, alors il tente d’être un bon mentor et un modèle, soutient l’acteur de 57 ans. Son passé dans l’armée et dans les services secrets lui a aussi permis d’apprendre à Bruce diverses compétences, comme se battre et déchiffrer des codes. »

PHOTO JONATHAN OLLEY, FOURNIE PAR WARNER BROS. ENTERTAINMENT

Alfred Pennyworth (Andy Serkis) dans le Manoir Wayne

Les enseignements d’Alfred s’avèrent fort utiles tout au long de The Batman. Bien entendu, notre héros se sert de ses poings à plusieurs reprises – les combats sont assurément les plus brutaux de la série –, mais il doit également résoudre de nombreuses énigmes puisque The Riddler (Paul Dano) est le principal antagoniste.

D’autres films de l’Homme chauve-souris ont prouvé sa capacité à élucider des mystères, souvent à l’aide de technologies avancées. Toutefois, c’est la première fois qu’on comprend pourquoi il est surnommé « Le plus grand détective du monde ».

Sans gadget extraordinaire, il doit non seulement déchiffrer les devinettes du Riddler, mais aussi enquêter dans les milieux criminel et politique de Gotham. Bien sûr, Batman peut compter sur quelques alliés : James Gordon (Jeffrey Wright), Selina Kyle (Zoë Kravitz) et, avant tout, Alfred. « C’est ce qui parvient à les unir, n’est-ce pas ? constate Andy Serkis. C’est LA chose qu’ils peuvent faire ensemble ; le langage commun qu’ils ont. Je crois que c’est très important dans leur relation. »

Une ville dystopique

Même si ce n’est pas expliqué dans le film, Alfred a vécu la chute de Gotham depuis la mort de Thomas et Martha Wayne – quoique, selon d’autres points de vue, tout n’était pas rose de leur vivant. Dans la version de Matt Reeves, Bruce Wayne porte la cape de Batman depuis deux ans et les criminels commencent à craindre sa présence. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire. « La ville a atteint un point où on sent le nihilisme dans l’air, illustre Andy Serkis. Il y a un manque flagrant du côté des services sociaux, la corruption est partout et les gangs ont pris le contrôle. »

PHOTO JONATHAN OLLEY, FOURNIE PAR WARNER BROS. ENTERTAINMENT

Robert Pattinson (Batman/Bruce Wayne) et le réalisateur et coscénariste Matt Reeves

Ces propos correspondent exactement à ce que nous avions constaté lors du visionnement de The Batman. Par notre simple regard, Andy Serkis semble d’ailleurs deviner notre prochaine question, car il y répond avant même que nous prononcions un mot.

Ce que Matt a créé est brillant, car on peut imaginer vivre dans cette ville, elle est familière même si elle est mythique. On comprend que ce monde ne peut continuer dans la même trajectoire sans qu’un évènement cataclysmique ait lieu.

Andy Serkis

Avant même que l’inévitable se produise, Gotham est déjà plongé dans une grande noirceur. L’ambiance est glauque, il pleut constamment et les rues sont peuplées de pauvreté et de danger. On sent la détresse ambiante. Cette impression, qui donne le ton au film, revient au directeur artistique (production designer) James Chinlund, selon Andy Serkis. « Ce que son équipe et lui ont fait pour Gotham est assez extraordinaire. Lorsque j’étais sur le plateau du Manoir Wayne, je me sentais dans un musée. La chambre des parents de Bruce qui est restée telle quelle avec la poussière et les livres partout… C’est fantastique de pouvoir habiter ce monde pendant un moment. »

Des superproductions depuis plus de 20 ans

Parce qu’il a souvent interprété des personnages « numériques », on ne réalise pas immédiatement qu’Andy Serkis a joué dans certaines des plus grandes productions des 20 dernières années. Il est entre autres Golum dans Lord of the Rings, Kong dans King Kong, Caesar dans Planet of the Apes, capitaine Haddock dans The Adventures of Tintin, Snoke dans Star Wars, Ulysses Klaue dans Black Panther et Baloo dans Mowgli, qu’il a aussi réalisé. Il était également derrière la caméra pour Venom : Let There Be Carnage, sorti l’an dernier.

PHOTO TOM NICHOLSON, REUTERS

Andy Serkis à la première de The Batman, à Londres, mercredi dernier

Lorsque nous lui demandons ce qu’il pense des différents cinéastes – Martin Scorsese, Ken Loach, Francis Ford Coppola – qui ne reconnaissent pas la valeur artistique de certains de ces films, Andy Serkis répond : « Il est dommage qu’ils soient catalogués comme de simples superproductions qui n’ont pas de réelle signification. Ces films rejoignent des millions de personnes parce qu’ils racontent de bonnes histoires avec une structure et un système de croyances auquel on peut adhérer. Dans une ère de postvérité, ils jouent un rôle encore plus grand. Sans vouloir trop analyser ce qu’ils représentent, j’estime que leur importance culturelle est énorme. »

The Batman prend l’affiche le 4 mars.