Trois décennies après l’adaptation au grand écran, par Yves Robert, de La gloire de mon père et du Château de ma mère, Christophe Barratier propose une adaptation du Temps des secrets, troisième des quatre tomes de Souvenirs d’enfance, le roman autobiographique de Marcel Pagnol. Pour le réalisateur des Choristes, il s’agit aussi d’un retour vers une partie de sa vie. Entretien.

Y a-t-il une motivation particulière qui vous a incité à écrire l’adaptation et à réaliser ce film ?

Je dois d’abord dire que ma grand-mère maternelle, avec qui j’ai vécu dans l’enfance, était une comédienne d’avant-guerre assez connue au théâtre [Marie Simonet]. Elle a notamment joué dans le sud de la France avec Marcel Pagnol lui-même et toute sa bande. L’univers de Pagnol est donc intimement lié à mes propres souvenirs d’enfance, d’autant que ma grand-mère me racontait plein d’anecdotes. Dès que Le schpountz, La fille du puisatier, La femme du boulanger ou l’un des films de la trilogie des Marius passait à la télé, il fallait regarder. J’ai cependant découvert Le temps des secrets plus tard. Vu que Pagnol y racontait la première fois qu’il est tombé amoureux, les adultes autour de moi devaient considérer que j’étais trop jeune pour lire cette histoire !

Est-ce à dire que vous avez lancé ce projet ?

Non, j’ai été approché par des producteurs qui m’ont demandé si j’aimais Marcel Pagnol. Je leur ai répondu que je n’en savais rien, étant donné qu’il est dans ma vie depuis que je suis né. C’est comme si on me demandait si j’aime respirer. Je leur ai dit que, connaissant l’œuvre entière, il y aurait forcément des choses qui proviendraient d’autres récits dans l’adaptation du Temps des secrets, car le livre est, en fait, une suite de petites chroniques et ne comporte pas vraiment d’intrigue. Et même si certains dialogues dans le film ne viennent pas de Pagnol, j’ai tenu à ce qu’on reconnaisse sa musique. Je sais d’instinct si ça fonctionne ou pas.

PHOTO FOURNIE PAR MÉTROPOLE FILMS

Le temps des secrets raconte les premiers émois amoureux de Marcel Pagnol.

L’œuvre de Marcel Pagnol est-elle toujours pertinente en 2022 ?

Pagnol est intemporel. Même si le monde bouge, il y a des choses qui ne changent pas. Si vous sortez des centres urbains, vous allez vous rendre compte que le mode de vie auquel Pagnol fait écho est toujours bien présent. Et puis, peut-être est-ce à cause du confinement, je sens que les gens ont besoin de reprendre contact avec eux-mêmes et avec la nature. Quel que soit notre niveau social, notre âge ou notre culture, nous avons tous en commun nos blessures d’enfance. Elles sont les mêmes partout. Pagnol a réussi à trouver comment traduire l’universalité du monde de l’enfance.

PHOTO FOURNIE PAR MÉTROPOLE FILMS

Christophe Barratier sur le plateau de tournage

Même si vos deux œuvres précédentes, L’outsider et Envole-moi, étaient plus contemporaines, vous avez établi votre réputation grâce à des longs métrages comme Les choristes, Faubourg 36 et La nouvelle guerre des boutons. Avez-vous un penchant particulier pour les films d’époque ?

Je ne suis pas nostalgique du passé, mais nostalgique de mon enfance, ça, oui. Je dois avouer que le cinéma a toujours été lié à cette période de ma vie. Il y avait ma grand-mère, mon oncle aussi [Jacques Perrin], et je baignais dans cet univers où je me rendais compte, grâce aux photos qui tapissaient les murs chez ma grand-mère, qu’il s’agissait d’un monde où l’on pouvait se déguiser et tout faire. C’était le rêve, le dépaysement total. Mes films d’époque n’ont pas été faits pour dire que c’était bien mieux avant, mais ils procèdent d’une nostalgie de mon propre passé.

PHOTO FOURNIE PAR MÉTROPOLE FILMS

Scène tirée du film Le temps des secrets, récit de Marcel Pagnol adapté pour le cinéma par Christophe Barratier

Que souhaitez-vous en offrant au public un film comme Le temps des secrets ?

Mon ambition est de simplement raconter une belle histoire et de faire passer du bon temps en famille aux spectateurs. Ce film pourra peut-être aussi contribuer à faire connaître l’œuvre de Marcel Pagnol à de nouvelles générations. Je crois que j’aurai plaisir à retrouver la famille Pagnol dans Le temps des amours. Peut-être…

Le temps des secrets est à l’affiche