Lanceur de marteau. Commentateur sportif. Acteur. Réalisateur. Auteur d’articles scientifiques. Poète. Si la vie de Nils Oliveto était un film, son scénario serait sans doute accusé d’invraisemblance. « Je ne suis pas un touche-à-tout, jure-t-il pourtant. Les touche-à-tout ne savent pas ce qu’ils veulent. Moi, ç’a toujours été clair, ce que je voulais. J’ai toujours voulu être number one. » Portrait du chantre des pistes de bobsleigh, qui présente ces jours-ci son nouveau long métrage, Confessionem.

Nils Oliveto songeait à ce moment-là à des moyens pas trop chronophages de financer sa carrière de lanceur de marteau. La publicité ? Il y a de l’argent facile là, se dit « de façon très simpliste », il l’admet aujourd’hui en riant, celui qui terminait alors sa maîtrise en physiologie de l’exercice et en performance humaine à l’Université de l’Oklahoma.

En visite dans son ancienne école secondaire, à Greenfield Park, l’athlète en glisse un mot à son prof d’art dramatique. « M. Gold m’a dit : “Pourquoi tu le ferais à temps partiel ? Tu es un acteur talentueux, fais-le maintenant pendant que c’est encore le temps.” »

Quelques semaines plus tard, au sous-sol de son dortoir, l’étudiant visionne un film. « Et là, ça m’a pris à la gorge. J’ai eu une expérience physique. Je ne pouvais plus accepter d’être derrière. Il fallait que je sois là. » Là comme : dans l’écran.

Fils d’immigrants italiens qui ont tous les deux mis le cap sur le Québec au nom de l’aventure, Nils Oliveto était jusque-là l’homme d’un seul objectif : participer au tournoi olympique de lancer du marteau, une discipline qu’il choisit ado parce qu’elle convient à son gabarit (costaud, mais pas gigantesque) et parce que de tous les lancers, celui-là exige la plus grande maîtrise technique, explique-t-il.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Nils Oliveto

Mais alors qu’il sent ce rêve olympique se dérober, après avoir participé à plusieurs compétitions majeures, dont les Jeux du Canada et ceux de la Francophonie, Nils Oliveto multiplie en Oklahoma les ateliers d’acteur. S’il ne devient pas le prochain Gaétan Boucher, son héros depuis les Jeux de Sarajevo, s’il ne bat pas les records de Yuriy Sedykh, pourquoi ne pas jouer son va-tout à... Hollywood ? « Ça, en scénarisation, c’est ce qu’on appelle un plot twist », blague-t-il.

Comme des milliers de rêveurs avant lui, il s’installe à Los Angeles en 2000 dans l’espoir d’être repéré, une période de deux ans durant laquelle il multiplie les formations de jeu et de scénarisation, ainsi que les petits boulots.

Mon budget hebdomadaire pour l’épicerie, c’était 20 $. Le lanceur de marteau a perdu beaucoup de poids. Mais j’ai aussi appris ce que ça voulait dire, la compétition. Je pensais le savoir, mais c’était une tout autre game. J’ai dû apprendre à me différencier, à cibler mon côté unique.

Nils Oliveto

Plus intello qu’il en a l’air

Après avoir décroché plusieurs petits rôles dans des films et téléséries, et après un séjour à Calgary au sein du camp national de bobsleigh, Nils Oliveto rentre à Montréal animé par l’ambition de charmer un producteur avec un de ses scénarios. Après avoir contacté « littéralement tous les producteurs de cinéma de la planète », il s’en remet à la voie hasardeuse, mais salutaire, de l’indépendance totale.

À l’instar de toutes ses autres productions, Confessionem, qu’il présente ce jeudi au Cinéma Moderne et qu’il espère avoir bientôt l’occasion de diffuser plus largement, est le fruit d’un sens aiguisé de la débrouille. Suspense onirique en noir et blanc, le long métrage financé de ses poches fouille la psyché tordue d’un prof (incarné par Nils), accusé à tort (ou pas) de divers crimes. Il a remporté en mars le prix du meilleur film international au Golden State Film Festival.

Regardez la bande-annonce de Confessionem

« On commence à comprendre que je ne suis pas que gros, tough et niaiseux, que je suis plus intello que j’en ai l’air », lance le cinéaste à moitié à la blague, au sujet de cette condamnation à n’être qu’une seule chose que porte parfois le regard de l’autre.

Les Américains sont moins comme ça. Une de leurs grandes qualités, c’est de ne pas te mettre dans une boîte. Ils ont une grande admiration pour quelqu’un qui peut amener plusieurs éléments. Ils appellent ça de la polyvalence. Ici, on voit ça comme quelqu’un qui s’éparpille.

Nils Oliveto

Compétitif en tout temps

Polyvalence, vous dites ? Nils Oliveto a publié en décembre dernier Winter haiku-lympics, un recueil en anglais de haïkus chantant les beautés des sports olympiques hivernaux – vous avez bien lu. « Je considère que d’être ennuyant est un blasphème dans mon métier », écrit-il dans la préface, au sujet de son boulot de commentateur de sports de glisse, qu’il pratique pour Radio-Canada depuis 2017. « Si vous changez de chaîne pendant que je suis à l’antenne, j’ai échoué. Point final. »

PHOTO FOURNIE PAR NILS OLIVETO

Nils Oliveto en compagnie de son collègue Kéven Breton

Remarqué lors des récents Jeux de Pékin grâce à ses envolées dignes d’Alain Goldberg livrées sur un ton « assez fort pour réveiller les morts », Nils Oliveto aura rendu captivantes des épreuves dont les enjeux seraient autrement demeurés impénétrables pour le néophyte.

Nils « rend l’analyse et la description vivantes de la même façon qu’il le ferait sur scène », observe son ami et collègue, le journaliste sportif Kéven Breton. « Je pense même qu’il joue un peu un personnage à l’analyse, délibérément, pour rendre ça plus vivant. La performance est quelque chose d’un peu indissociable de lui, il veut performer, peu importe le domaine. »

« Je travaille souvent à la télé avec des gens au pedigree sportif supérieur au mien, alors c’est ma chance de montrer que je peux être aussi bon qu’eux dans ce que je fais en 2022 », confirme celui qui sera des Mondiaux d’athlétisme dès le 15 juillet à Radio-Canada aux côtés de Bruny Surin et de Michel Chabot. Son plus récent article scientifique a été publié en juillet 2021 dans le magazine Track & Field News. « Je ne me bats pas contre eux, mais je reste compétitif. La première chose que j’ai dite à Kéven, c’est : “Je veux que les téléspectateurs nous trouvent hot.” »

Participer ainsi aux Jeux olympiques aura apaisé la déception de ne pas y avoir été convié en tant qu’athlète. « Ça m’a tellement pris de temps à mettre de côté cette amertume », confie celui qui sera de la distribution de la série Indéfendable à l’automne à TVA. « Aujourd’hui, c’est comme si j’avais été extrêmement amoureux d’une fille pendant des années, sans que ce soit réciproque, et que j’étais maintenant devenu ami avec cette fille-là. » Belle image. « C’est mon côté poète. »

Confessionem est présenté ce jeudi à 22 h au Cinéma Moderne.