Après avoir connu un beau succès au Festival de Cannes au printemps dernier, le troisième long métrage de Monia Chokri, Simple comme Sylvain, sera présenté au grand écran dès vendredi prochain. Rencontre avec la réalisatrice ainsi que ses deux acteurs principaux, Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal.

C’est une histoire d’amour qui réfléchit aux différences entre les classes sociales. Sophia (Magalie Lépine-Blondeau) est mariée à Xavier (Francis-William Rhéaume), qui vit dans le même monde d’intellectuels aisés qu’elle. Les deux professeurs s’aiment (ou s’apprécient ?) sans vraiment vivre leur amour. Sophia rencontre Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), un travailleur de la construction avec qui elle n’a presque rien en commun. Leur attirance est intense et ne peut être contenue.

La réalisatrice de Babysitter et de La femme de mon frère se demande si l’amour peut suffire lorsque le milieu duquel on vient cause des scissions qui s’infiltrent dans le couple. « J’avais la volonté de raconter une histoire d’amour », laisse tomber Monia Chokri, rencontrée plus tôt cette semaine, avec Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La réalisatrice Monia Chokri

En réfléchissant au couple, au désir, à la compatibilité ou à l’incompatibilité, je me suis dit qu’il serait intéressant d’ajouter cette couche de classes sociales. Parce que le couple, c’est un système politique, un système économique, un système social.

Monia Chokri, réalisatrice

L’amour des personnages

Mais comment montrer une opposition si marquée entre deux personnes et leur entourage sans tomber dans la caricature, sans jamais dénigrer un côté ou l’autre ? « J’insuffle de l’humanité, en travaillant sur leurs failles et sur leur fragilité, mais sans les juger, affirme Monia Chokri. La vie, ce n’est pas tout noir ou tout blanc. »

« Ce que j’ai vu tout de suite en lisant le scénario, c’est que Monia aime et défend tous ses personnages, note Pierre-Yves Cardinal. On sent que ce n’est pas manichéen. Elle n’essaie pas de faire la morale aux spectateurs. »

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Les comédiens Magalie Lépine-Blondeau (Sophia), Pierre-Yves Cardinal (Sylvain) et Francis-William Rhéaume (Xavier)

« Une grande partie du film parle de l’amour adultère et on ne le condamne jamais, dit quant à elle la comédienne Magalie Lépine-Blondeau. Monia ne pose aucun jugement. C’est très moderne. »

Pierre-Yves Cardinal aime que le Sylvain de Monia Chokri soit complexe, loin d’être « simple » dans le sens dépréciatif du terme.

Dès le départ, on en discutait avec Monia et malgré le jeu de mots dans le titre, il n’était pas question de ce genre de simplicité péjorative. C’est quelqu’un qui n’a pas eu l’éducation qu’il aurait voulu avoir, mais qui est curieux et intéressé par les choses intellectuelles, sans avoir eu la chance de baigner là-dedans.

Pierre-Yves Cardinal, comédien incarnant Sylvain

Quand Sylvain rencontre Sophia, explique l’acteur, il sent qu’il pourra découvrir de nouvelles choses. « Il y a cette communion physique, mais aussi cette occasion de développer quelque chose de psychique. Il est très friand de ça, même si c’est très maladroit, ce qui crée plein d’humour. » Ce nouveau long métrage de Monia Chokri est d’ailleurs très drôle. La cinéaste, qui n’aime pas beaucoup les étiquettes, décrit son long métrage comme une comédie mélancolique.

Un film beau à faire

C’est « la tendresse et la bienveillance pendant le tournage » que l’on sent traverser l’écran lorsque l’on visionne Simple comme Sylvain. C’est ainsi qu’en parle Magalie Lépine-Blondeau, qui est de tous les plans de ce film. Mais ce sont aussi les mots de Pierre-Yves Cardinal. Ils nous expliquent la même chose : si ce film est si beau à voir, c’est en partie parce qu’il a été beau à faire.

L’histoire est souvent mélancolique, parfois narrée de manière comique (« Monia est une des seules personnes qui me font m’esclaffer ! », dit Magalie Lépine-Blondeau), d’autres fois plus dramatique. On y voit de la tendresse, mais bien de la détresse aussi. Au-delà de ce que nous raconte le scénario, il y a l’histoire que Chokri et son équipe ont écrite en faisant un film où l’on parle de désir féminin, d’amour passionnel, d’amours frustrées et de différends entre les classes sociales, dans une atmosphère où la douceur prévalait.

« C’est indissociable du fait que c’est Monia qui réalisait », croit Magalie Lépine-Blondeau. La relation entre Sylvain et Sophia puise dans une passion fiévreuse qui, tout au long, est notamment montrée dans des scènes où ils consomment cet amour. Pour les tourner, les acteurs n’ont pas souhaité être accompagnés d’un coordonnateur d’intimité.

« Tout était déjà dans le scénario. Après ça, Monia a vraiment pris le temps avec Pierre-Yves et moi. On a discuté de ces scènes-là et elle nous a expliqué sa vision de façon très précise. Il y avait une confiance entre nous et aussi un grand respect », dit l’actrice.

PHOTO FRED GERVAIS, FOURNIE PAR IMMINA FILMS

Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal dans Simple comme Sylvain

Simple comme Sylvain s’articule autour du désir de Sophia. On assiste à une démonstration probante du female gaze (regard féminin) cinématographique, qui émancipe la femme du rôle de celle que les hommes observent. On ne voit donc pas le corps nu de l’actrice dans le film. « Je n’y vois pas d’intérêt dans mon travail, dit Monia Chokri. C’est elle qui est un être de désir, je n’ai pas besoin de la filmer, car l’intérêt est dans ce qu’elle regarde. »

Comme actrice, il m’est arrivé de jouer des scènes de sexualité et je trouvais qu’il y avait un malaise lié à ces scènes-là parce qu’on les différenciait des autres scènes, des dialogues. Alors que là, l’intimité est un dialogue – ou un monologue ! – très puissant.

Magalie Lépine-Blondeau, comédienne incarnant Sophia

« Tellement de choses sont véhiculées et c’était dans l’écriture comme dans la mise en scène », poursuit Magalie Lépine-Blondeau.

Le Festival de Cannes a adoré Simple comme Sylvain. Au tour du public québécois d’avoir la chance de se faire son idée sur ce troisième film de Chokri.

« Je suis fébrile, mais heureuse, lance Monia Chokri. J’ai pu aller à la rencontre d’un public en Europe surtout, mais j’espère qu’il va avoir une belle réception ici, parce que, finalement, on fait du cinéma pour notre nation, pour réfléchir ensemble. »

En salle le 22 septembre

Simple comme Sylvain

Comédie mélancolique

Simple comme Sylvain

Monia Chokri

Avec Magalie Lépine-Blondeau, Pierre-Yves Cardinal et Francis-William Rhéaume

1 h 50