De passage au Festival du nouveau cinéma, où elle recevra une Louve d’honneur soulignant l’ensemble de sa carrière, la cinéaste française Catherine Breillat viendra également y présenter une classe de maître et son nouveau long métrage, L’été dernier.

Dix ans après Abus de faiblesse, où elle racontait ce que lui avait fait subir l’escroc Christophe Rocancourt, Catherine Breillat est de retour au sommet de son art avec L’été dernier, troublant remake du film danois Queen of Hearts (2019), de May el-Toukhy, où une avocate spécialisée dans les droits des enfants (Léa Drucker) entame une liaison avec son beau-fils de 17 ans (Samuel Kircher).

« Le président de la République avait 15 ans quand il a rencontré celle qui allait devenir sa femme, et qui avait autorité sur lui puisqu’elle était sa professeure à l’époque. C’est pour ça qu’il faut donc ne pas faire que des lois abruties, il faut aussi regarder, et je pense que la jurisprudence le fera, le contexte », explique la réalisatrice et romancière jointe par visioconférence au Festival du film de New York.

Histoire de rendre encore plus complexe le récit original, Catherine Breillat a transformé le personnage féminin ; elle n’est plus montrée comme une prédatrice à l’endroit du garçon et l’une et l’autre prennent spontanément l’initiative du premier baiser qu’ils échangent.

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU NOUVEAU CINÉMA

Samuel Kircher et Léa Drucker dans L’été dernier

« Ils sont irrésistiblement amoureux, ce n’est pas que du désir. Au début, ils ne savent pas qu’ils vont coucher ensemble, c’est une attirance chaste ; ils sont bien ensemble et vont rajeunir jusqu’à avoir le même âge. Je voulais montrer ce glissement vers une intimité naturelle parce que cela me fascine. Le cinéma ne doit pas être simpliste, manichéen, rigoriste. Malgré tout, c’est son beau-fils ; on peut dire que c’est de l’inceste sur le papier. »

Peut-on perdre les repères du bien et du mal ? Se dire qu’on est des humains ? Qu’on est faillibles ? Est-ce qu’on aurait cédé ? Est-ce un crime ? Une faute ?

Catherine Breillat

Le désir féminin sous la loupe

Si elle illustre dans L’été dernier le désir féminin en s’inspirant d’une toile de Caravage, Marie-Madeleine en extase, Catherine Breillat l’a souvent fait de façon très frontale, voire crue. En allant chercher l’acteur porno Rocco Siffredi pour Romance (1999) et Anatomie de l’enfer (2014), elle s’est attiré une fois de plus les foudres de ses nombreux détracteurs la jugeant scandaleuse.

« Romance n’a rien de sale, même si on va loin. Pour moi, il est d’une très grande pureté et en même temps, d’un très grand désespoir. C’est une quête héroïque dans l’identité sexuelle, défend-elle fermement. Il faut vraiment s’interroger sur pourquoi on est choqué. On a tous un sexe entre les jambes, on est des êtres humains sexués ; il ne faut pas oublier une chose, ça, c’est ma nouvelle théorie, c’est que l’espèce humaine ne doit sa survie qu’au désir. Or, le désir est tabou ! »

On n’en parle pas, on fait comme si c’était de la saleté, de l’horreur, des remugles. Il faut savoir montrer le désir, mais pas de la manière dégueulasse et consumériste des films pornos.

Catherine Breillat

Tandis qu’elle s’apprête à recevoir une Louve d’honneur, Catherine Breillat, 75 ans, résume ainsi l’ensemble de sa carrière : « Dans mes films, j’ai quand même obstinément creusé le même sillon, c’est-à-dire que mes films suivent la même ligne. Il se trouve que ce sillon, c’est le sujet majeur du demi-siècle. J’ai été énormément mal vue et critiquée pour mes premiers films. On disait que je n’aimais pas les hommes et qu’ils n’étaient pas comme dans mes films. Or, moi, je n’invente jamais rien pour ne pas être fausse, mais ça ne veut pas dire que je déteste les hommes et que je les juge mal. Après #metoo, on s’est rendu compte que les hommes étaient comme ça. »

Ayant exploré d’un film à l’autre le désir féminin à tous les âges, d’Une vraie jeune fille (1976) à L’été dernier (2023), Catherine Breillat a brassé la cage du patriarcat et exploré les travers de ce qu’elle appelle la « culture du macho séduisant », véhiculée dans les grands romans et les contes de fées, afin de faire évoluer les mentalités.

« Dans mes films en général, que ce soit dans 36 Fillette ou dans Sale comme un ange, le héros macho tombe amoureux, fait montre de tendresse, de désarroi, de fragilité et vit une espèce de rédemption. J’ai l’impression que les hommes avaient besoin dans la culture qu’on leur inculquait d’être les plus forts. C’est important que la faiblesse apparaisse. Ce qui est humain, c’est la faiblesse. Et c’est une force de pouvoir être faible, c’est-à-dire humain. Les hommes changent peu à peu, mais il ne faut pas leur demander de changer brusquement. C’est impossible. »

La classe de maître de Catherine Breillat est présentée au Cinéma du Musée samedi à 11 h.

L’été dernier est présenté au Cinéma Impérial ce vendredi à 20 h 30 et au Cinéma du musée samedi à 12 h 30.

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