(Prague) La réalisatrice polonaise Agnieszka Holland a déclaré mardi qu’elle voulait « changer le monde » et contribuer à l’évolution de la société polonaise avec son dernier film, Green Border, sur les migrants bloqués à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie.

Cette œuvre en noir et blanc éprouvante a remporté le mois dernier le prix spécial du jury au festival du film de Venise, mais il a également valu à sa réalisatrice, âgée de 74 ans, du mépris, des attaques violentes de la part du pouvoir populiste à Varsovie et même des menaces de mort dans son pays.

Le gouvernement polonais a construit une barrière métallique le long de sa frontière avec la Biélorussie en 2022 afin de dissuader les migrants de traverser illégalement la frontière, une opération orchestrée par Minsk, selon lui.

Les gardes-frontières, secondés par l’armée, ont souvent eu recours aux push-backs pour renvoyer les migrants vers la Biélorussie, mesures critiquées par les organisations de défense des droits de l’Homme.

Green Border raconte l’histoire de migrants, de gardes-frontières et de bénévoles, en s’appuyant sur des expériences réelles.

« Le film était nécessaire, car les gens estimaient qu’il fallait en parler, que nous devions nous demander qui nous sommes et ce que signifie l’humanité », a déclaré la réalisatrice à la presse à Prague.

« Je voulais changer le monde » avec ce film, a-t-elle déclaré en tchèque, langue apprise pendant ses études à l’Académie du cinéma de Prague à la fin des années 1960.

Gardes du corps

Mme Holland, qui a été nommée deux fois aux Oscars, a déclaré avoir passé une semaine en compagnie de deux gardes du corps à la suite de menaces de mort, alors que le film devait sortir dans les salles de cinéma polonaises.

Elle a également dû faire face à des discours de haine de la part de hauts responsables politiques du parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS).

« Les attaques dont j’ai fait l’objet étaient insensées, ce que je n’avais jamais connu bien que j’aie vécu dans la Pologne communiste », a-t-elle ajouté.

Le ministre polonais de la justice Zbigniew Ziobro a comparé son film à « la propagande de l’Allemagne nazie ».

« Les gens ont pleuré »

La question migratoire a été l’un des principaux thèmes de la campagne électorale des législatives polonaises du 15 octobre, le parti au pouvoir mettant en avant sa politique anti-immigration, alors que l’opposition l’accusait de favoriser en fait l’entrée de nombreux migrants en leur délivrant des milliers de visas.

L’opposition pro-européenne a obtenu une majorité parlementaire aux législatives en Pologne dimanche, qui devrait lui permettre de mettre fin à 8 ans de règne du PiS, qui reste cependant le premier parti.

Mme Holland a du reste déclaré que les Polonais en général avaient bien accueilli le film lors de la tournée qu’elle a effectuée dans le pays pour le présenter.

« Les gens ont pleuré, ils se sont levés et ont applaudi, même dans les petits cinémas », a-t-elle déclaré, ajoutant que le film avait fait office de « psychothérapie collective » dans les régions orientales, proches de la frontière.

Mme Holland a déclaré qu’elle s’attendait à ce que l’état d’esprit change en Pologne, même si « cela prendra du temps ».

Elle prépare maintenant un film sur Franz Kafka.