La Station spatiale internationale est un symbole de coopération entre les États-Unis et la Russie. Dans I.S.S., le début d’une guerre entre les deux nations menace l’harmonie à l’intérieur de l’appareil. La Presse s’est entretenue avec la réalisatrice, Gabriela Cowperthwaite, et l’actrice principale, Ariana DeBose.

En apesanteur

I.S.S. n’est pas la première œuvre où l’on voit des personnages se déplacer sans le poids de la gravité, mais elle est parmi les plus réalistes. Autrice de trois documentaires, dont le décoré Blackfish, Gabriela Cowperthwaite a utilisé une approche similaire pour son film de fiction. Harnais, câbles – qu’on a mis plus d’un an à effacer numériquement en postproduction – et une rigoureuse planification permettent de croire à l’effet d’apesanteur. « Chaque seconde de chaque plan a été déterminée des semaines à l’avance, car une fois les acteurs attachés, une longue chorégraphie s’enchaîne », explique la réalisatrice en entrevue virtuelle. Environ 45 minutes étaient nécessaires pour installer les 6 comédiens dans leur attelage. Ariana DeBose souligne que l’inconfort l’a aidée à se mettre dans la peau de la Dre Kyra Foster. « Être suspendue en permanence m’a fait vivre des sensations qui ont été bénéfiques pour ma performance. Une fois l’aspect technique maîtrisé, on se sent davantage dans le personnage. »

Claustrophobie réciproque

Afin de reproduire le plus fidèlement la Station spatiale internationale, le chef décorateur Geoff Wallace (la série jeunesse The Astronauts, Tomorrowland) a fait construire dans un studio des modules amovibles. « Nous pouvions y loger deux caméras, pas plus, car ils étaient très étroits afin de correspondre à la réalité, indique Gabriela Cowperthwaite. Nous pouvions configurer les modules de différentes façons, ce qui permettait de suivre les déplacements des acteurs sans interruption. » « Si vous vous sentez claustrophobe en regardant le film, sachez que nous ressentions la même chose en le tournant », ajoute Ariana DeBose en riant.

Un véritable astronaute

L’équipe de production d’I.S.S. a pu compter sur l’expertise de Garrett Reisman, ancien astronaute qui a séjourné sur la station. « Il m’a entre autres dit qu’il n’avait pas ressenti l’effet de surplomb [overview effect, un choc cognitif qui peut se produire lorsqu’on observe la Terre de l’espace. Chris Hadfield l’aurait vécu]. Je l’ai donc ajouté au film, parce que je trouvais que cela distinguait davantage les membres de l’équipage, affirme la réalisatrice. Il m’a aussi parlé des pénibles maux de tête et d’à quel point c’est terrible de dormir debout… J’ai trouvé une façon d’incorporer presque tout ce qu’il m’a dit, car je ne savais rien de tout ça et je voulais que le film soit pour un public qui ignore ces choses comme moi. » Le livre Endurance : A Year in Space, a Lifetime of Discovery, de Scott Kelly, a également inspiré la cinéaste.

Récit réaliste

À l’instar du quotidien des astronautes à bord de la station, l’approche de Gabriela Cowperthwaite pour raconter l’histoire d’une guerre entre les États-Unis et la Russie vue de l’espace est celle du réalisme le plus total. « Je voulais qu’on retrouve dans une science-fiction la même authenticité des documentaires que j’ai faits, résume-t-elle. L’intrigue [de Nick Shafir] est vraiment bien ficelée et je me demandais pourquoi personne n’y avait songé avant ! » Pour Ariana DeBose, la plus grande qualité du scénario est que son suspense repose sur des choix humains. « Malgré l’ampleur de la situation, c’est la réaction des hommes et des femmes qui tient en haleine. Le film soulève également la question des forces qui nous poussent parfois à faire des choix que nous ne voulons pas faire, ce qui est pour moi fort pertinent. »

L’espoir dans l’atrocité

Chaque plan de la Terre qui brûle vue de l’espace brise le cœur. Alors que les raisons du conflit ne sont jamais expliquées, nous avons demandé à Gabriela Cowperthwaite et Ariana DeBose si, selon elles, il était possible de garder espoir en l’humanité en visionnant I.S.S. « Les nuances entre chacun des personnages, leurs doutes, leurs remises question, le fait qu’ils n’abandonnent pas tout ce qu’ils sont en dépit des ordres qu’ils ont reçus, une simple hésitation, que le résultat soit bon ou mauvais, permet de maintenir l’espoir, estime la réalisatrice. Je crois que la nuance était encore plus nécessaire pour les Russes en raison de la façon dont ils sont généralement dépeints, surtout dans les années 1980. » « Au départ, l’équipe est unie par son amour de la science et du cosmos. Mon personnage tente constamment de voir le bon dans les gens qu’il côtoie. Quand le conflit éclate, elle ne change pas abruptement parce qu’ils sont russes. Je crois que cela provoque une réflexion sur les relations que nous entretenons avec les personnes d’une culture différente de la nôtre. Simplement se poser la question me donne espoir », conclut l’actrice oscarisée pour West Side Story.

I.S.S. (S.S.I. en version française) est actuellement en salle.